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Cecy chantant, Dyane entre les Dieux
      Disoit encore : Et en sa bonne grâce
      Je m’y plairai, et tous l’advouerez.
Parquoy ayant, Dames, devant vos yeulx
      Ces rayz très saintz de si haulte efficace
      En les louant, nostre honneur louerez.

Voilà bien des passages très significatifs pour l’état d’âme de la reine de Navarre pendant ses dernières années ; c’est bien l’aspiration vers le divin de ce royal cerveau qui passe les neuf deux et dont le poète espère qu’il y retournera pur intellect nouveau, plus rayonnant que le soleil même. Ce sont les mêmes idées que Rabelais exprime dans la dédicace du tiers livre de Pantragruel : à l’esprit de la royne de Navarre ; idées qui sont des témoignages si précieux pour la vie intérieure de l’auteur de l’Héptaméron à cette époque où elle était tellement accablée par toutes sortes de malheurs, que les spéculations philosophiques et théologiques restaient l’unique consolation de cette femme singulière[1].

Le sonnet qui sert d’introduction à la Suyte des Marguerites, est adressée à Jeanne d’Albret, Infante de Navarre[2]. Il n’est pas aussi intéressant que le premier, n’étant qu’un panégyrique des superbes qualités de l’illustre princesse, donnée en exemple à sa fille.

La Marguerite où la céleste Aurore
      De ses couleurs print l’imitation
      S’esclot ici en la perfection
      Qui saintement ce Monde emperle et dore :
Et de la France ainsi le nom décore
      Que par chrestienne et rare invention,
      Discours divins et haulte affection
      Avec le ciel la terre en Dieu adore.
Dont du soleil de ses vertus le lustre,
      Maugré le temps illustrera tout aage
      Par éternelle et heureuse mémoire.
A celle fin que vous. Princesse illustre
      Estant miroir de sa royale image
      Soyez aussi image de sa gloire.
  1. Cf. les ouvrages suivants d’Abel Le franc : Les dernières poésies de la reine de Navarre. Paris, A. Colin 1896. — Le platonisme de la Renaissance française. Revue d’hist. litt. III p. i. — Marguerite de Navarre et le platonisme de la Renaissance. Bibl. de l’Ecole des Chartes. LVIII p. 359, LIX p. 712.
  2. Abel Lefranc (Revue d’hist. litt.) ne se prononce pas sur l’auteur de ce sonnet qui est pourtant signé M. SC. Par contre il attribue à Scève le sonnet à la fin de la première partie signé : Amour demourra le maistre. Or il est très probable que ce deuxième sonnet n’est pas de Scève ; rien ne l’aurait empêché de le signer aussi bien que les autres ; ce n’est pas son style, du reste. Je ne sais pas qui se cache derrière cette devise.