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l’histoire de Paradin qui a été, d’après Rubys, de ces gens qui croient et escrivent légèrement. Par opposition à son prédécesseur, il veut écrire une histoire véritable, pour le vérifier par le récit de plusieurs discours fabuleux qu’il a employez et affirmez pour véritables dans ses écrits[1]. Et le fait qu’il allègue comme exemple de la crédulité de Paradin, est précisément cet hommage immérité à Louise Labé et à Pernette du Guillet.

D’après lui Louise Labé est renommée non seulement à Lyon mais par toute la France soubs le nom de la belle Cordiere pour l’une des plus insignes courtisanes de son temps[2]. Pernette du Guillet aurait été pire encore ; les expressions avec lesquelles il parle d’elle sont telles que nous n’osons les rapporter.

Ne connaissant que ces deux documents il semble presque impossible de se faire une opinion impartiale sur Pernette du Guillet. La témérité de Rubys eût été grande s’il avait déclaré fausse une histoire que chaque consul ou échevin (les plus âgés de ces hommes ont dû connaître du moins Louise Labé) pouvait vérifier sans difficulté. Devant un conseil d’hommes mûrs qui l’ont connue, comment oser nommer une femme chaste, „une des plus insignes courtisanes de son temps renommée comme telle dans toute la France ?“

Mais ces deux témoignages si opposés nous montrent du moins que Pernette du Guillet et Louise Labé appartiennent à la même classe de femmes : l’une et l’autre sont des dames „très chastes, très honorables et très vertueuses“, ou des courtisanes. On a souvent débattu la question à propos de Louise Labé sans arriver à la trancher, à mon avis ; mais si l’on y parvient on pourra peut-être en appliquer les conclusions à Pernette du Guillet. Nous avons très peu de documents qui nous renseignent sur Pernette, nous pouvons y suppléer par ceux que nous avons sur Louise ; ils sont très nombreux et nous arriverons aisément à connaître la belle Cordière. Mais il nous faut y puiser avec une impartialité complète, sans cette galanterie posthume et cette pruderie sentimentale qui ont si souvent faussé les jugements sur cette femme célèbre, dont la figure est de la plus grande importance dans un tableau de la Renaissance lyonnaise.

  1. Jules Favre (Olivier de Magny, p. 118) dit pour diminuer la valeur du témoignage de Rubys : il prend un seul exemple pour vérifier… Il semble oublier que toute l’Histoire véritable n’est d’un bout à l’autre qu’une réfutation de l’histoire de Paradin qu’il convainc plusieurs fois de crédulité et de plagiat. Le mot seul n’est juste que pour la préface.
  2. Déjà en 1574, huit ans après la mort de la belle Cordière, Claude de Rubys cite Louise Labé que chacun sçait avoir fait profession de courtisane publique jusques à sa mort.