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ARISTOTE.

d’Aétius : il rapporte un long passage de Suidas, où on trouve, non pas que cet hérétique donnait à ses sectateurs les Catégories d’Aristote pour Catéchisme, mau qu’il leur expluitit les choses selon la méthode des Catégories d’Aristote. C’est qu’il était fort versé dans les subtilités et dans les disputes de la dialectique. C’est ainsi que présentement un scolastique espagnol qui entreprendrait d’expliquer un point de foi, le bâtirait selon le plan de l’école. Pourrait-on dire qu’il substituerait les ouvrages d’Aristote à nos livres de religion ? Citer Eusèbe au chap. 27 de son histoire, est une manière de citer insoutenable. Je ne pense pas que cet auteur ait rien dit sur les antinomiens.

(V) En quelques églises d’Allemagne, . . . . on lisait la morale d’Aristote, au lieu de l’Évangile. ] Je m’en vais citer mon auteur : c’est M. Spanheim le père, dans la harangue séculaire qu’il prononça à Genève, l’an 1635 (113). Quin et Philippus Melanchton, dit-il (114), vir candidissimus, testatur diebus dominicis variis in locis pro thematibus dominicalibus, indè à Karoli M. artate opera P. Guarenfridi seculo octavo in cathedras ecclesiasticas introductis, Ethica Aristotelis publice populo proelecta, et à se Tubingae in agro wirtenburgico audita *. Si on me demande un autre témoin, et qu’on veuille se contenter de Magirus, je le produirai. Tubingoe quondam monachus, dit-il (115), pro concione Aristotelis librum Ethicorum explicavit ; ita vulgo dicebat ; Quemadmodum Johannes Baptista Christi praecursor fuit in theologicalibus, ità Aristoteles fuit praecursor Christi in physicalibus (116).

(X) Il n’est pas étonnant que le péripatétisme . . . . trouve tant de protec-

(113) Elle a pour titre, Geneva restituta.

(114) Pag. 17, 18.

  • Leclerc, dans sa Lettre critique, dit que probablemeut, d’un fait singulier dont Mélanchthon pouvait avoir été témoin, quelqu’un aura fait une coutume. Joly, après avoir copié Leclerc, sans rien dire, suivant son usage, ajoute du moins dans ses Additions, un passage de J. Hermann de Elswich, auteur d’un traité intitulé, De varia Aristotelis in scholis pretestantium fortunâ Schediasma, 1720, in-8°., qui appuie la conjecture de Leclerc.

(115) Magirus, in Eponymologio critico, pag. 81, 82.

(116) Il cite Greg. Michaël, in Not. ad Jac. Gaffarelli Curiositat. inauditas, pag. 109.

teurs. ] Si tous ceux qui ont embrassé la philosophie de M. Descartes avaient eu cette sage retenue qui fait qu’on s’arrête quand on est parvenu jusques à un certain point, s’ils avaient su discerner ce qu’il faut dire et ce qu’il faut taire (117), ils n’auraient pas tant fait crier contre la secte en général. La méthode des anciens maîtres était fondée sur de bonnes raisons. Ils avaient des dogmes pour tout le monde, et des dogmes pour les disciples initiés aux mystères. Quoi qu’il en soit, l’application qu’on a voulu faire des principes de M. Descartes aux dogmes de la religion a fait un grand préjudice à sa secte, et en arrête les progrès. C’est un cas presque inévitable. Les anciens pères se plaignirent extrémement de la secte d’Aristote (118), et c’est une plainte presque générale, que la philosophie fait tort à la théologie ; mais, d’un autre côté il est certain que la théologie nuit à la philosophie. Ce sont deux facultés qui ne s’accorderaient guère sur le règlement des limites, si la voie de l’autorité, toujours dans les intérèts de la première, n’y donnait bon ordre.

(Y) Les premiers réformateurs ont beaucoup crié contre le péripatétisme. ]

Voici encore un passage du père Rapin (119). « Rien ne fit plus d’honneur à

 " la doctrine de ce rand hommil ((120)

 " dans le siècle passe, que les invectives

 " atroces de Luther, de Melanchthon,

 " de Bucer, de Calvin, de Postel, de

 " Paul Sarpi (121), et de tous ceux

 " qui écrivirent alors contre l’église

 " romaine ; car ils ne se plaignent

 " tous d’Aristote que parce que la so-

 " lidité de sa méthode donne un grand

 " avantage aux catholiques pour dé‑

 " couvrir les ruses et les artifices des

 " faux raisonnemens dont se sert l’hé‑

 " résie pour déguiser le mensonge, et

 " détruire la verité. " Dans un autre ouvrage, cet auteur ne parle pas si en l’air ni avec si peu de preuves. « -Saint

(117) Finitae potestas denique cuique

Quânam sit ratione atque alte terminus

haerens.

Lucretius, lib. I, vs. 77.

(118) Voyez dans M. de Launoi, de Varia Anstotelis fortunâ, cap. I, une longue liste de leurs passages.

(119) Compar. de Plat. et d’Aristote, pag. 412.

(120) Il parle d’Aristote.

(121) Comment peut-on dire qu’il ait écrit contre l’église romaine dans le XVIe siècle ?