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ARISTOTE.

phénomène qu’on y voyait le fit mourir de chagrin. Oude thn tou Euripou jusin tou ontoz en Calkidi gnwmai dunhqeiz dia pollhn adxian kai aiscunhn luphqeiz metizh tou biou (126). Cum neque Euripi Chalcidici naturam cognoscere posset, undè propter ingens probrum et pudorem in moerorem conjectus, morte vitam commutavit. Saint Grégoire de Nazianze, à proprement parler, n’en dit pas autant : il se contente de ne point contredire Julien, qui avait allégué Aristote comme un exemple d’une si grande passion pour l’étude, qu’elle lui avait donné la mort. H kai thn Wmhron filomaqeian peri to Arkadikon zhthma kai thn Arizteloz jilosojian kai prosedrian epi taiz tou Euripou metabolaiz uj wn tebnhkasi (127). Laudas insuper in Homero discendi amorem circa Arcadicam quaestionem, et in Aristotele philosophiam et diutinam moram ad reciprocos Euripi oestus, quibus uterque occubuit. Ceci est fort remarquable, et je ne sais si quelqu’un s’en est encore aperçu. Plusieurs personnes, n’ayant pas pour les pères de l’église tout le respect qu’il faudrait, se plaisent à les taxer d’une aveugle crédulité : ils les accusent nommément d’avoir diffamé Aristote au sujet de l’Euripe ; mais il y a quelque apparence que Julien apostat avouait le fait dont Justin Martyr a parlé ; car il parait, par la réponse de saint Grégoire de Nazianze, que cet empereur avait joint Homère avec Aristote pour produire deux exemples d’une avidité de savoir qui avait causé la mort. Or, selon la tradition qui concerne Homère, il mourut de déplaisir de n’avoir pas pu entendre la réponse que lui firent certains pécheurs. On peut donc croire que Julien avait adopté une tradition semblable touchant Aristote et l’Euripe. Je conviens néanmoins qu’il se pourrait faire qu’il n’eût voulu dire, sinon qu’Aristote observa avec tant d’assiduité les mouvements de l’Euripe, et médita si profondément sur ce sujet, que cette forte application de corps et d’esprit ruina sa santé, et lui attira la maladie qui le fit mourir. Je croirais cela plutôt que toute autre chose. Il ne semble pas qu’Eustathius en veuille dire davan‑

(126) Justini Cobort. ad Graecos, pag. 34.

(127) Greg. Naziansen., Orat. III, pag. 79.

tage, lorsqu’il parle de l’Euripe en cette manière : Eptakiz to olon nucqhmeron metaballei o peri Euboian Euripoz peri on jasi diatriyanta ton Arizotelhn katalutai ton bion. Septies intra diem naturalem reciproco oestu agitatus Euboïcus Euripus, circa quemdicunt Aristotelem occupatum interiisse. Voyez un long passage de M. le Fevre, où, après avoir donné un coup de dent en passant aux prédicateurs, il impute à Justin Martyr, et encore plus à Grégoire de Nazianze, ce qu’ils n’ont point dit. Fidelicet in Graecia, quemadmodùm hodieque fit, oratores sacri, si tamen tanto nomine illa pulpitorum crepitacula, et plebeculae cymbala, cohonestari oporteat vulgô dictitabant Aristotelem, cum illius septenae in dies singulos reciprocationis causam non potuisset cognoscere, ibi tum misellum sese in Euripum dedisse proecipitem, et in maximam malam crucem abiisse. Justinus cognomento Martyr, et Gregorius Nazianzenus, qui primi, aut inter primos, hanc fabulam olim in scripta sua retulerunt, id vel studio philosophiae christianae (ita enim isti Graeculi christianismuns vocare solent) fecere ; dum videlicet insanientem veterum Graecorum sapientiam, obscurandam et premendam existimdrunt ; vel fortassè etiam (quidni enim veris locus sit ?), priscae historiae ignoratione. Nam ex Eumolpi, Apollodori, Favorinique scriptis, quae illâ etiam tempestate superfuisse scimus, facilè didicisse boni viri poterant, rem longé se secus habuisse, quam prodiderunt (128).

Le Gyraldi avait déjà imputé la même chose à ces pères, et avait conclu de tous ces faits une réflexion pieuse. Il dit, 1°. Que Justin Martyr assure qu’Aristote mourut pour n’avoir pu découvrir la cause du flux et du reflux de l’Euripe ; 2°. que Procope, au IVe livre de son histoire, l’a dit aussi ; 3°. que Grégoire de Naxianze, ayant observé qu’il en prit très-mal à Homère de n’avoir pu résoudre une question, méprise tout aussitôt la philosophie d’Aristote à l’égard des variétés de l’Euripe, qui le firent mourir ; 4°. que le commentateur grec de ce père rapporte que ce philosophe se précipita dans ce bras

(128) Tanaq. Fabri Epistolar. part. I, pag. 49, 50.