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ANDROMAQUE.

ANDROMAQUE, en latin Andromache, femme du vaillant Hector, était fille d’Éétion, roi de Thèbes, dans la Cilicie [a]. Son mariage lui était avantageux en toutes manières : car outre que son mari passait pour le rempart de sa patrie, et pour le plus ferme appui du trône, il avait beaucoup de bonté pour elle ; et l’on dit même qu’il ne l’exposa jamais au déplaisir à quoi les femmes des grands héros sont si sujettes : je veux dire qu’il lui gardait exactement la foi conjugale (A). Si Euripide n’en est pas demeuré d’accord, il nous a fait savoir en même temps que cela ne troublait point le bonheur de cette femme, son humeur étant là-dessus tout-à-fait commode (B). La mort d’Hector fut donc un coup terrible pour Andromaque : néanmoins elle n’en mourut pas, non plus que de l’affliction extrême où elle tomba quelque temps après par le saccagement de Troie, par la perte de son cher fils Astyanax qu’on précipita du haut d’une tour, et par sa propre captivité. Elle échut à un maître qui, tout farouche et sanguinaire qu’il était, en usa bien avec sa captive. Pyrrhus, le cruel fils du cruel Achille, ne laissa pas de s’humaniser avec Andromaque, de partager son lit avec elle (C), et de rendre sa condition si heureuse, que la belle Hermione qu’il épousa depuis, en conçut une furieuse jalousie [b]. Après la mort, ou même du vivant de ce prince, Andromaque épousa Hélénus (D), fils de Priam, son compagnon de captivité, et régna avec lui dans une partie de l’Épire. Elle avait eu des enfans de Pyrrhus (E), et elle en eut un encore d’Hélénus. Quelques auteurs croient que les rois des Épirotes, jusqu’à ce Pyrrhus qui fit la guerre aux Romains [c], descendaient d’un fils de Pyrrhus et d’Andromaque. Cette princesse avait sept frères, qui furent tués par Achille avec leur père, dans un même jour [d]. Un auteur a dit qu’elle accompagna Priam, lorsqu’il alla supplier Achille de lui vendre le corps d’Hector [e] ; et que, pour faire plus de compassion, elle y mena ses deux fils, qui étaient encore enfans [f]. Elle a été le sujet de plusieurs belles tragédies, tant anciennes que modernes (F). Sa grande taille a été connue de toute la postérité (G). Son dialogue avec Hector, dans le VIe. livre de l’Iliade, est un des meilleurs morceaux de ce poëme (H).

Elle avait un si grand soin des chevaux d’Hector, qu’elle leur donnait à manger et à boire plutôt qu’à lui [g]. Quelques-uns ont fait valoir cet exemple, afin de montrer que les femmes sont obligées de s’employer aux exercices les plus mécaniques du logis (I).

  1. Homer. Iliad. lib. VI, vs. 396 et seq. Cette Cilicie n’était pas loin de Troie.
  2. Euripid., in Andromachâ.
  3. Voyez la remarque (E).
  4. Homer. Iliad., lib. VI, vs. 414, et seq.
  5. Dictys Cretensis, lib. III.
  6. Astyanacta, quem nonnulli Scamandrum appellabant, et Laodamanta parvulos admodùm filios præ se habens. Dictys Cretensis, lib. III.
  7. Homer., Iliad. lib. VIII, vs. 188.