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DICTIONNAIRE
HISTORIQUE ET CRITIQUE
DE PIERRE BAYLE.
AN.

ANABAPTISTES, secte dont la naissance suivit de fort près les commencemens du luthéranisme. Nicolas Storch, Marc Stubner et Thomas Munzer la fondèrent l’an 1521. Ils abusèrent d’une doctrine qu’ils avaient lue dans le livre de Libertate Christianâ, que Luther avait publié l’an 1520. Cette proposition qu’ils y trouvèrent, L’homme chrétien est le maître de toutes choses, et n’est soumis à personne, et que Luther prenait dans un fort bon sens (A), leur parut propre à gagner la populace. C’est à quoi ils employèrent leur industrie, chacun selon ses talens. Storch, n’ayant point de science, se vanta d’inspirations. Stubner, qui avait de l’esprit et de l’étude, chercha des explications adroites de la parole de Dieu. Munzer, hardi et emporté, paya d’audace, et lâcha la bride aux passions les plus remuantes. Ils ne se contentèrent pas de décrier la tyrannie ecclésiastique de la cour de Rome et l’autorité des consistoires, ils enseignèrent aussi que la puissance des princes était une usurpation, et que les hommes sous l’Évangile doivent jouir d’une pleine liberté. Ils rebaptisèrent leurs sectateurs ; et, pour mieux faire passer cette pratique, ils enseignèrent que le baptême conféré à des enfans est nul. Quant au reste, il insistèrent beaucoup sur la morale rigide ; ils recommandèrent les macérations, les jeûnes, et la simplicité des habits ; et ils séduisirent par-là une infinité de monde. Après ces heureux commencemens, Munzer devint si téméraire, qu’il exhorta hautement les peuples à résister aux magistrats, et à contraindre les souverains à se défaire de l’autorité. Un tel Évangile plut si fort aux paysans d’Allemagne, qui trouvaient un peu trop rude le joug de leurs maîtres, qu’ils se soulevèrent en mille lieux, et qu’ils commirent une infinité de violences. On leva des troupes contre eux, on les battit aisément, on en fit mourir un très-grand nombre. Munzer, qui les avait

TOME II.