Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
ANDRONICUS.

me l’assure Porphyre dans la Vie de Plotin. Car non-seulement il y rétablit ce qui s’y était gâté par la longueur du temps et par la négligence de ceux qui avaient eu ces écrits entre des mains ; mais il les tira même de l’étrange confusion où il les avait trouvés, et en fit faire des copies [1]. Le commencement de ce passage dément Plutarque, qui assure qu’Andronic tira des mains de Tyrannion les ouvrages d’Aristote. Plutarque, je l’avoue, n’est pas si exact qu’il faille se faire un scrupule de s’écarter de ses circonstances ; mais quand on n’a point d’auteur qui assure que les héritiers de Tyrannion, et non pas Tyrannion lui-même, vendirent les écrits d’Aristote à Andronicus, je crois qu’on fait bien de suivre Plutarque, puisque les raisons chronologiques ne se déclarent pas contre lui. Voyez les remarques de l’article Tyrannion. Quelqu’un a dit qu’Andronicus a été le dixième successeur d’Aristote, et qu’il a fleuri en la 180e. olympiade [2].

(D) On ne lui attribue pas absolument la paraphrase de la Morale d’Aristote. ] Daniel Heinsius, qui a traduit en latin cette paraphrase, fait connaître assez clairement qu’il la croit de ce célèbre péripatéticien. Il la publia en grec et en latin, à Leyde, l’an 1607, in-4o : elle n’avait jamais été imprimée, ni en grec, ni en latin. Il se glissa une infinité de fautes dans cette édition, qui furent corrigées, du moins en partie, dans celle de l’an 1617, in-8o. Heinsius a mis le nom d’Andronicus Rhodius à la tête de la seconde édition. Il s’était contenté dans la première de donner le livre à un ancien philosophe, excellent péripatéticien. Il s’en tint à cette généralité. Une parenthèse peut justifier Gabriel Naudé contre M. Placcius : Cui se Danielis Heinsii…. diligentiâ socium non ità pridem adjunxit Andronicus Rhodius (aut potiùs Olympiodorus) : tamen enim appellationem in posteriori editione consultò sortitus est, cùm in priori ab eodem Heinsio factâ Lugduni Batavorum sub anonymi nomine latens..… fuisset..…. avidè à cunctis receptus. C’est Naudé qui dit cela dans sa Bibliographie politique ; sur quoi M. Placcius fait cette remarque : Ubi lapsus memoriæ sit oportet quod de Olympiodoro memorat, cùm ejus nullam unquàm in alterutrâ editione mentionem Heinsius fecerit [3]. La parenthèse montre qu’on a pu n’imputer à Heinsius que le titre d’Andronicus Rhodius. Meursius ne doute point qu’Andronic n’ait fait cette paraphrase et le traité περὶ παθῶν, que David Hoeschelius a publié sur deux manuscrits : l’un, qu’il avait reçu de Margunius ; l’autre, qu’André Schottus avait envoyé d’Espagne à Sylburgius [4]. Vossius attribue ce dernier livre à un Andronic beaucoup moins ancien que celui dont je parle dans cet article [5]. Reinesius est du même avis que Meursius [6] ; mais Saumaise soutient hautement qu’Andronic de Rhodes n’est point l’auteur de la paraphrase que Daniel Heinsius a traduite. C’est sans aucun jugement, dit-il [7], que ceux qui ont les premiers publié cette paraphrase l’ont attribuée à Andronicus : et il se moque de ce qu’ils s’étaient vantés d’avoir trouvé plusieurs bonnes preuves de ce fait dans les anciens interprètes d’Aristote [8]. Il montre que le véritable Andronicus explique autrement, dans Aulu-Gelle, que ne fait le paraphraste, la différence qu’il y avait entre les ἐξωτερικὰ, et les ἀκροατικὰ d’Aristote. Il s’étend beaucoup là-dessus. Il ajoute qu’en plusieurs choses le paraphraste n’est point du sentiment d’Aristote [9]. In tam multis abit à mente Aristotelis, ut Andronici esse genuinum opus soli possint credere qui nihil in litteris his vident. Il ne saurait croire qu’un aussi grand philosophe qu’Andronicus eût voulu abuser de son loisir, jusqu’au point de paraphraser un ouvrage qui est le plus clair du monde : Quis credat tanti nominis peripateticum otium suum occupâsse in Ethicis Aristotelis Paraphrasi elucidandis, quo libro

  1. Rapin, Comparaison de Platon et d’Aristote, pag. 373, 374.
  2. Ammonius, apud Jonsium de Scriptor. Hist. Philosophor., pag. 60.
  3. Placcius, de Anonymis, pag. 62.
  4. Meursius, de Rhodo, lib. II, cap. V, pag. 88.
  5. Vossius, de Philosophiâ, cap. V, pag. 36.
  6. Reinesii Epist., ad Rupertum, pag. 312.
  7. Salmasius, in Epictet. et Simplic., pag. 227.
  8. Idem, ibid., pag. 228.
  9. Idem, ibid., pag. 241.