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ANGLUS.

ment M. Vitus [1]. » On voit au bas de plusieurs épîtres dédicatoires de Thomas Anglus, Thomas ex Albiis.

(C) Il avait une estime particulière pour les opinions de Digby. ] Voici le titre d’un de ses livres, imprimé à Lyon, en 1646 : Institutionum Peripateticarum ad mentem summi viri clarissimique Philosophi Kenelmi Equitis Digbæi. La préface donne la raison de ce titre en cette manière : Quòd ad mentem summi viri et clarissimi philosophi Kenelmi equitis Digbæi scripta pronunciem, indè est quòd cùm in invidendo illo de animæ immortalitate libro totam naturæ compositionem à primâ corporis ratione usquè ad invisibiles animæ spiritualis articulos dissecuerit, et in omnium oculos intulerit, alia quàm ipse præcesserat incedere neque volui neque potui. Quicquid itaquè de illo subjecto vides, indè translatum est. Il ne se contenta pas de lui faire hommage de ses doctrines philosophiques : il voulut de plus relever de lui en qualité de théologien, et cela par rapport aux plus sublimes mystères ; témoin le livre qui a pour titre : Quæstio Theologica, quomodò secundùm principia Peripatetices Digbæanæ sive secundùm rationem et abstrahendo quantùm materia patitur, ab authoritate, humani arbitrii libertas sit explicanda, et cum gratiâ efficaci concilianda [2]. Il fit imprimer l’an 1652 ses Institutiones Theologicæ, super fundamentis in Peripateticâ Digbæanâ jactis extructæ.

(D) Il résista aux lumières que M. Descartes voulut lui donner. ] Je recours encore à M. Baillet. « Thomas Anglus, dit-il [3], était un péripatéticien encore plus extraordinaire que M. le chevalier Digby, et il le surpassait assurément pour l’obscurité de ses conceptions et pour l’incompréhensibilité de ses pensées. Il était du reste l’un des philosophes les plus subtils de son temps, et il s’était affranchi de l’assujettissement de la scolastique, qui retient la plupart des péripatéticiens. M. Descartes.... avait conçu de l’estime pour lui, sur les témoignages avantageux que M. le chevalier Digby lui en avait rendus. Il souffrit volontiers que Thomas Anglus lui fit des objections. La nature de ses objections et la haute idée que M. Digby lui avait donnée de son esprit, lui firent espérer de le voir bientôt rangé parmi les sectateurs de sa philosophie ; mais l’événement fit voir qu’il présumait un peu trop de la docilité de Thomas Anglus. Celui-ci se laissa brouiller la cervelle dans les questions épineuses de la prédestination, de la liberté et de la grâce, qui commençaient à troubler les facultés théologiques de Louvain et de Paris. Persuadé que M. Descartes n’était point appelé de Dieu pour lui donner les solutions nécessaires à ces difficultés toutes surnaturelles, il aima mieux recourir aux lumières d’Aristote, pour percer ces ténèbres mystérieuses. Ce qu’il en a écrit avec cette assistance ne ressemble point mal à des oracles pour obscurité ; et c’est peut-être ce qui l’a rendu inintelligible à messieurs de la congrégation romaine de l’index [* 1], et qui l’a fait regarder par les Jésuites comme un théologien sauvage [* 2]. » Il ne sera pas hors de propos de dire ici ce qu’il répondait à ceux qui l’accusaient d’obscurité ; sa réponse peut servir à nous faire mieux connaître le caractère de son génie : Je me pique de la brièveté qui convient aux maîtres et aux distributeurs des sciences, disait-il [4]. Les théologiens sont cause que mes écrits demeurent obscurs ; car ils évitent de me donner l’occasion de m’expliquer : enfin, ou les gens doctes m’entendent, ou ils ne m’entendent pas ; s’ils m’entendent et s’ils me trouvent dans l’erreur, il leur est facile de me réfuter ; s’ils ne m’entendent pas, c’est à tort qu’ils criaillent contre ma doctrine. Cela sent son homme qui ne cherche qu’à faire parler de soi et qui est marri de n’avoir pas assez d’adversaires pour attirer sur sa personne les yeux et l’attention du public : Riserunt aliqui hominem

  1. (*) Decret. sacr. Congr. Collect.
  2. (*) Labbæo dictus Theologaster.
  1. Baillet, Vie de Descartes, tom. II, pag. 245, à l’an 1644.
  2. C’est un in-12 : le lieu et l’année de l’impression n’y paraissent point. On voit par la préface que l’auteur était déja vieux.
  3. Baillet, Vie de Descartes, tom. II, pag. 245.
  4. Præfat. Stateræ appensæ.