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ANTOINE.

pendant que son Frère Marc était consul, et que Caïus, son autre frère, était préteur. Il fut consul l’an de Rome 713, et triompha le premier jour de son consulat de quelques habitans des Alpes, qu’il fit accroire qu’il avait vaincus, quoiqu’il ne leur eût rien fait qui fût digne du triomphe, et qu’il n’eût même exercé aucune charge dans leur pays. Mais Fulvie, femme de Marc Antoine, et belle-mère d’Octave César, laquelle faisait alors à Rome tout ce qu’elle voulait, lui procura par son seul crédit cet honneur-là. Cette même femme impérieuse, voulant se venger d’Octave, qui avait répudié sa fille, excita Lucius Antoine à prendre les armes contre lui, prenant pour prétexte la protection des habitans de la campagne, dont on avait assigné les terres aux soldats. Les troupes qu’il assembla ayant été introduites de nuit dans Rome, il en chassa Lépidus, l’un des triumvirs, harangua le peuple, et lui déclara que, suivant l’intention de son frère, il voulait abolir le triumvirat. Cette promesse répandit la joie dans la ville. On le déclara Imperator : il marcha contre Octave César ; mais, n’osant tenir la campagne, il s’enferma dans Pérouse, où il se défendit jusqu’à ce que la disette de vivres le contraignit de se rendre. Octave lui donna ensuite la liberté, et depuis on ne trouve point ce qu’il est devenu [a].

  1. Glandorpii Onomastic., pag. 81, ex Dione, etc.

ANTOINE (Marc-Jules), fils du triumvir et de Fulvie, trouva grâce de telle sorte devant Auguste, après la conquête d’Égypte, qu’il fut avancé aux charges de degré en degré, et enfin au consulat, l’an de Rome 744. Il épousa Marcella, fille d’Octavie ; et par ce moyen, étant devenu gendre de la sœur d’Auguste, pour laquelle ce prince avait une extrême considération, il tint le premier rang dans la faveur, après Agrippa, gendre d’Auguste, et après les fils de l’impératrice. Mais il paya d’ingratitude son bienfaiteur, puisqu’il fut un des premiers qui corrompirent sa fille Julie, ce qui, joint à quelques soupçons de conjuration, le fit condamner à la mort. Il y a des historiens qui disent qu’il se tua lui-même pour prévenir l’infamie de son arrêt [a]. Il avait étudié sous le grammairien L. Crassitius [b], et il composa un poëme de douze livres en vers héroïques [c], et quelques traités en prose. C’est à lui qu’Horace adresse l’ode II du IVe. livre. Il laissa un fils qui était encore extrêmement jeune, et qui s’appelait Jules Antoine. L’empereur relégua ce jeune garçon à Marseille, sous le spécieux prétexte de le faire étudier. Il lui fit rendre des honneurs funèbres assez singuliers ; car il fit ordonner par le sénat que ses os seraient portés dans le tombeau des Octavius [d]. Il paraît que ce fut là la fin de l’ancienne et puissante famille Antonia, dont Tacite dit qu’elle avait été

  1. Vell. Paterculus, lib. II, cap. C.
  2. Suet. de illustr. Grammat. cap. XVIII.
  3. Intitulé Diomedeæ. Verus interpres Horat. in Od. II, lib. IV.
  4. Tacit. Ann., lib. IV, cap. XLIV.