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ANTONIA.

paremment son nom à cette princesse. ] Il en fait mention dans la liste des tableaux d’Apelles : Ejusdem arbitrantur, dit-il, manu esse et in Antoniæ templo Herculem aversum : ut quod est difficillimum, faciem ejus ostendat veriùs pictura, quàm promittat [1]. Un fort savant commentateur [2] dit sur ce passage qu’il ne sait si ce temple appartenait à l’aînée des Antonia, ou à la cadette, ni en quel endroit de la ville il était bâti : Cujus illud Antoniæ fuerit, majoris, minorisve, quove Urbis situ conditum fuerit, incompertum. Utraque Antonii triumviri filia, major Germanici et Claudii Cæsaris parens : Neronis avia. C’est préférer le sentiment de Tacite à celui de Suétone [3] : c’est donner à Drusus l’aînée ; mais d’ailleurs, ces paroles Neronis avia me font de la peine : je soupçonne que l’imprimeur a oublié pour le moins minor ; car en substituant ce mot, nous verrons que le père Hardouin nous aura dit quelque chose de l’une et de l’autre Antonia : de l’aînée, qu’elle fut mère de Germanicus et de l’empereur Claude ; de la cadette, qu’elle fut aïeule de Néron. Si l’on ne substitue rien, on trouvera une faute, puisque la mère de Germanicus ne fut point la grand’mère de Néron. Recourir à adoption de Néron par Claude serait une mauvaise chicane. Dans un autre lieu [4], ce commentateur avait préféré le sentiment de Suétone à celui de Tacite.

(I) M. Moréri n’a point parlé d’Antonia sa petite-fille, sans se tromper. ] Elle était fille de l’empereur Claude, et d’Ælia Petina ; mais elle était née avant qu’il fût empereur. Il la maria premièrement à Cneius Pompeius Magnus [5], et puis à Faustus Sylla. Elle vit périr de mort violente ses deux maris. Le premier fut mis à mort par les ordres de l’empereur Claude [6] ; le second fut massacré à Marseille par des gens que Néron y envoya pour cet effet [7]. Elle refusa d’épouser ce prince qui voulut en faire sa femme après la mort de Pompée [8]. Néron la fit mourir, sous prétexte qu’elle se trouva mêlée dans une conspiration. Je crois que ce fut dans celle de Pison. Un historien a dit que Pison devait mener avec lui Antonia dans le camp des gardes prétoriennes [9]. Tacite le rapporte sans y trouver une grande vraisemblance [10]. Il ne trouve point apparent qu’Antonia eût voulu s’exposer à un grand péril, sans espérer de devenir l’épouse de Pison. Or cette espérance n’avait aucun fondement ; car Pison était connu par toute la ville pour un mari fort amoureux de sa femme. Tacite n’avait garde de s’arrêter là : il y joint une restriction à sa manière : si ce n’est, dit-il, que la passion de dominer soit la plus violente de toutes. Par-là, il redonne au narré de Pline la vraisemblance qu’il lui avait ôtée. Antonia aura pu croire que Pison répudierait sa chère femme, afin de s’ouvrir le chemin du trône, en épousant la fille de l’empereur Claude : Interim Piso apud ædem Cereris opperiretur, undè eum præfectus Fenius et cæteri accitum ferrent in castra, comitante Antoniâ Claudii Cæsaris filiâ ad eliciendum vulgi favorem, quod C. Plinius memorat. Nobis quoquo modo traditum non occultare in animo fuit, quamvis absurdum videretur, aut inani spei Antoniam nomen et periculum commodavisse, aut Pisonem notum amore uxoris alii matrimonio se obstrinxrisse : nisi si cupido dominandi cunctis affectibus flagrantior est [11]. Les fautes de M. Moréri sont : 1o. Que Tacite nomme Cornelius Salvus le second mari d’Antonia. Il le nomme Cornelius Sulla [12] 2o. Qu’Antonia fut long-temps veuve. Son mari Sylla fut tué l’an 815 ; la conjuration de Pison éclata l’an 818 ; Poppée mourut la même année : il y a beaucoup d’apparence qu’Antonia fut recherchée peu après, et que son

  1. Plinius, lib. XXXV, cap. X, pag. 213.
  2. Le père Hardouin.
  3. Voyez ci-dessus la remarque (A).
  4. In Plin., lib. VII, cap. XIX, tom. II, pag. 38.
  5. Il lui redonna ce surnom, que Caligula lui avait ôté. Dio, lib. LX.
  6. Suet., in Claud., cap. XXVII.
  7. Tacit., Annal., lib. XIV, cap. LVII.
  8. Suet., in Nerone, cap. XXXV.
  9. Plin., apud Tacitum, Annal., lib. XV, cap. LIII.
  10. Tacit., Annal., lib. XV, cap. LIII.
  11. Là même.
  12. Tacit., Annal., lib. XIII, cap. XXIII, (et non pas, cap. V, comme dans Moréri,) et XLVII. Moréri a cité mal, lib. XIV, cap. XVI ; il fallait citer lib. XIV, cap. LVII, et n’a point cité tous les endroits quel fallait citer.