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APULÉE.

auspicatissimum ab Æsculapio deo capiam, qui arcem vestræ Carthaginis indubitabili numine propitius respicit. Ejus dei hymnum græco et latino carmine vobis sic canam, jam illi à me dedicatum. Sum enim non ignotus illius sacricola, nec recens cultor, nec ingratus antistes [1].

(F) Il dépensa presque tout son bien dans ses voyages. ] Ce ne fut point la seule cause de la pauvreté où il tomba ; il fit des dépenses beaucoup plus louables : il s’en vanta, du moins, lorsqu’il répondit au reproche qu’on lui avait fait de sa misère : Ad istum modum desponsus sacris, sumptuum tenuitate contra votum meum retardabar : nam et viriculas patrimonii peregrinationis attriverant impensæ [2]. C’est ainsi qu’il parle, en représentant l’embarras où il se trouvait à Rome, au sujet de sa vocation à la confrérie d’Osiris. Il était hypothéqué à cette mystérieuse congrégation, les promesses étaient données ; mais comme on n’a jamais fait rien pour rien, il fallait payer quelque chose pour les cérémonies inaugurales, et il n’avait pas de quoi fournir à cette dépense. Il fallut, pour ainsi dire, qu’il vendît jusqu’à sa chemise : la divinité, qui le pressait, ne lui indiqua point d’autre ressource : Jamque sæpiculè non sine magnâ turbatione stimulatus, postremò jussus veste ipsâ meâ quamvis parvulâ distractâ sufficientem corrasi summulam, et idipsum præceptum fuerat specialiter. An tu, inquit, si quam rem voluptatis struendæ molireris, laciniis tuis nequaquàm parceres, nunc tantas cerimonias aditurus impœnitendæ te pauperiei contaris committere [3] ? Alors, il n’attribuait son indigence qu’aux frais de ses voyages ; mais dans l’autre rencontre dont j’ai parlé, il dit qu’il avait dépensé beaucoup à faire de bonnes œuvres, à secourir ses amis, à reconnaître les soins de ceux qui l’avaient instruit, à doter les filles de quelques-uns d’eux. Il ajoute qu’il n’aurait pas fait difficulté d’acheter au prix de tout son patrimoine le mépris de son patrimoine : mépris qui est un bien plus considérable que le patrimoine même. C’est parler en philosophe cela. Si tamen nescis, c’est ainsi qu’il adresse la parole à son délateur [4], profiteor mihi ac fratri meo relictum à patre H-S. vicies, paulò secùs ; idque à me longâ peregrinatione et diutinis studiis, et crebris liberalitatibus modicè imminutum. Nam et amicorum plerisque opem tuli, et magistris plurimis gratiam retuli, quorumdam etiam filias dote auxi. Neque enim dubitâssem equidem vel universum patrimonium impendere, ul adquirerem mihi quod majus est, contemptum patrimonii. Il avait fait des réflexions très-solides et très-morales sur la pauvreté [5].

(G) Une veuve, qui n’était ni jeune ni belle, mais qui avait besoin d’un mari... le trouva fort à son goût. ] L’accusateur d Apulée la soutenait âgée de soixante ans [6] : il avait son but ; il croyait prouver par-là que la passion qu’elle avait conçue pour l’accusé n’était point naturelle, mais l’effet de quelque charme magique. Apulée fit voir qu’elle n’avait guère plus de quarante ans, et que si elle en avait passé près de quatorze dans l’état de veuve, ce n’avait nullement été par aversion pour le mariage, mais à cause des oppositions de son beau-père : qu’enfin, cet état de continence lui avait ruiné la santé, jusque-là que les médecins et les sages-femmes s’accordèrent à dire qu’il n’y avait point de meilleur remède aux suffocations qui la tourmentaient que le mariage [7]. Une femme à qui l’on dit cela, et qui n’a guère de temps à perdre, si elle veut mettre à profit ce qui lui reste d’années de fécondité, n’a nul besoin d’être contrainte par la force des sortiléges à se choisir un époux. Ce fut le raisonnement d’Apulée, et il a beaucoup de force : Eo scrupulo liberata, cùm à principibus viris in matrimonium peteretur, decrevit sibi diutiùs in viduitate non permanendum. Quippè ut solitudinis tædium perpeti posset, tamen ægritudinem corporis ferre non poterat. Mulier sanctè pudica, tot annis viduitatis sine culpâ, sine fabulâ absuetudine conjugis torpens, et diutino situ viscerum saucia, vitiatis intimus uteri, sæpè ad extremum vitæ

  1. Apuleïus, Florid., pag. 361.
  2. Idem, Metam., lib. XI, pag. 271.
  3. Idem, ibid.
  4. Idem, Apol., pag. 288.
  5. Id., ibid., pag. 285, 286, 287.
  6. Idem, ibid., pag. 317, 330.
  7. Idem, ibid., pag. 330.