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APULÉE.

diocritatem, continuatio etiam litterati laboris omnem gratiam corpore deterget, habitudinem tenuat, succum exorbet, colorem oblitterat, vigorem debilitat. Capillus ipse, quem isti aperto mendacio ad lenocinium decoris promissum dixêre, vides quàm non sit amœnus ac delicatus, horrore implexus atquè impeditus, stuppeo tomento assimilis, et inæqualiter hirtus, et globosus, et congestus : prorsù inenodabilis diutinâ incuriâ, non modò comendi, sed saltem expediendi et discriminandi [1]. À l’égard du troisième chef, il ne se défendit point d’avoir envoyé à un ami une poudre qui était propre à bien nettoyer les dents, et d’y avoir joint des vers qui contenaient une description exacte des effets de cette poudre : il soutint que tout le monde, et principalement ceux qui parlaient en public, devaient avoir un soin tout particulier de tenir nette leur bouche. Il eut là un beau champ pour rendre bonne sa cause, et pour tourner en ridicule son adversaire, quoique apparemment il eût donné lieu à la critique, par une trop grande affectation de se distinguer des autres savans. Voilà comment certaines causes sont aisées à défendre, encore qu’on ait un peu de tort : Vidi ego dudùm, répondit-il [2], vix risum quosdam tenenteis, cùm mundicias oris videlicet orator ille asperè accusaret, et dentifricium tantâ indignatione pronunciaret, quantâ nemo quisquam venenum. Quidni ? crimen haud contemnendum philosopho, nihil in se sordidum sinere, nihil uspiam corporis apertum, immundum pati ac fœculentum : præsertìm os, cujus in propatulo et conspicuo usus homini creberrimus : sive ille cuipiam osculum ferat, seu cùm cuiquam sermocinelur, sive in auditorio dissertet, sive in templo preces alleget. Omnem quippè hominis actum sermo prœit : qui, ut ait poëta præcipuus, è dentium muro proficiscitur. Faisons le même jugement de la dernière accusation. Ce n’est pas un crime à un docteur dans quelque faculté que ce soit d’avoir un miroir ; mais s’il le consultait trop quand il s’habille, on l’en pourrait critiquer fort justement. Dans le temps d’Apulée, la morale était beaucoup plus rigide qu’aujourd’hui, par rapport à l’extérieur, car il n’ose point convenir qu’il se serve de son miroir. Il soutient qu’il le pourrait faire, et il le prouve par plusieurs raisons philosophiques, qui, pour dire la vérité, sont beaucoup plus ingénieuses que judicieusement placées ; mais il nie qu’il consulte son miroir : Sequitur de speculo longa illa et censoria oratio, de quo pro rei atrocitate penè diruptus est Pudens, clamitans : Habet speculum philosophus, possidet speculum philosophus. Ut igitur habere concedam, ne aliquid objecisse te credas, si negâro, non tamen ex eo me accipi necesse est exornari quoque ad speculum solere.… Plurimis rebus possessu careo, usu fruor : quod si neque habere utendi argumentum est, nequè non utendi non habere, et speculi non tam possessio culpatur quàm inspectio, illud etiam doceat necesse est quandò et quibus præsentibus in speculum inspexerim, quoniam, ut res est, majus piaculum decernis speculum philosopho, quàm Cereris mundum profano videre [3].

Voyez l’invective de Juvénal contre l’empereur Othon qui comptait son miroir pour l’une des principales pièces de son équipage de guerre :

Ille tenet speculum pathici gestamen Othonis,
Actoris Aurunci spolium : quo se ille videbat
Armatum, cùm jam tolli vexilla juberet.
Res memoranda novis annalibus, atque recenti
Historiâ, speculum civilis sarcina belli [4].


Au reste, il me semble (je n’ose néanmoins l’affirmer,) qu’Apulée avait en vue son procès, lorsqu’il décrivit dans l’une de ses harangues celui d’Apollon et de Marsyas. Il suppose que Marsyas débuta par louer ses cheveux entortillés, sa barbe affreuse, sa poitrine velue ; et par reprocher à Apollon une propreté extrême : Marsyas, quod stultitiæ maximum specimen est, non intelligens se deridiculo haberi, priusquàm tibias occiperet inflare, priùs de se et Apolline quædam deliramenta barbarè effutivit : laudans sese quòd erat et comâ relicinus, et barbâ squallidus, et pectore hirsutus, et arte tibicen, et fortunâ egenus ; contra Apollinem, ridiculum dictu, adversis virtutibus culpabat. Quòd Apol-

  1. Apul., Apolog., pag. 276.
  2. Idem, ibid., pag. 277.
  3. Idem, ibid., pag. 281, 282.
  4. Juvenal., Sat. II, vs. 99.