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ARCÉSILAS.

rée [a], et il reçut plusieurs beaux présens d’Eumènes, prince de Pergame [b]. Il eut une fort bonne pensée touchant la mort ; car il disait que de tous les maux c’est le seul dont la présence n’ait jamais incommodé personne, et qui ne chagrine qu’en son absence [c]. Ses dogmes tendaient au renversement de tous les préceptes de la morale ; et néanmoins on remarque qu’il la pratiquait. Le témoignage qui lui fut rendu là-dessus par le stoïcien Cléanthe, ce qu’il répondit, et ce qu’on lui répliqua, sont des choses très-curieuses (K). Il ne se maria jamais [d], quoiqu’il fût d’un tempérament à aimer les femmes, et qu’il ne suivit que trop le penchant de la nature ; et cela, jusqu’à des excès honteux (L). Il florissait vers la 120e. olympiade [e], et il mourut d’avoir trop bu, et en délire, à l’âge de soixante-quinze ans [f], la quatrième année de l’olympiade 134 [g]. Il s’était vanté d’une grande force de courage pendant les douleurs de la goutte (M). Diogène Laërce ne lui a point donné Bion pour successeur : le père Rapin s’est imaginé cela sans nul fondement (N). Je n’ai qu’une faute à reprocher à M. Moréri : c’est d’avoir dit qu’Arcésilas étudia sous Xanthus et sous Théophraste, avant que de venir à Athènes. J’en ai remarqué une très-grossière dans Sidonius Apollinaris (O).

  1. Id., ibid.
  2. Diogen. Laërtius, lib. IV, num. 38.
  3. Plutarch. de Consolat. ad Apollonium, pag. 110, A.
  4. Diogen. Laërtius, lib. IV, num. 43.
  5. Apollodorus, apud Diog. Laërtium, lib. IV, num. 45.
  6. Id., ibid, num. 44.
  7. Diog. Laërce, num. 61, met en cette année le commencement de la régence de Lacydès, successeur d’Arcésilas.

(A) Il naquit à Pitane, dans l’Éolide. ] Diogène Laërce n’est pas le seul qui l’assure [1] : lisez ces paroles de Pomponius Méla, dans le chapitre où il décrit le pays des Æoliens : Caicus inter Eleam decurrit, et Pitanen illam quæ Arcesilam tulit, nihil affirmantis academiæ clarissimum antistitem [2]. Voyez aussi Strabon : Πιτάνη πόλις᾽ Αιολικὴ..... ἐκ δὲ τῆς Πιτάνῆς ἐςὶν Ἀρκεσίλαος [3]. Pitane urbs Æolica... Pitane patria fuit Arcesilai. Mais n’écoutez point Solin, qui donne Pitane, ville de Laconie, pour le lieu natal de ce philosophe [4]. M. de Saumaise [5] et M. Ménage [6] le réfutent. Je ne sais si c’est par l’inadvertance de l’auteur, ou par celle du correcteur, que l’on trouve Arcesilas Pritanæus dans M. Gassendi [7] : il fallait mettre Pitanœus.

(B) Il fut disciple de Théophraste, et enfin de Crantor [8]. ] Je m’étonne que Diogène Laërce, après avoir insinué clairement en d’autres endroits, qu’Arcésilas fut disciple de Polémon, ne le dise pas expressément dans la Vie d’Arcésilas. Voici les endroits où il l’insinue. Arcésilas, dit-il, ayant quitté l’école de Théophraste, pour s’attacher à Polémon et à Cratès, déclara qu’ils étaient des dieux, ou des restes du siècle d’or. Ἔνθεν καὶ Ἀρκεσίλαον μετελθόντα παρὰ Θεοϕράςου πρὸς αὐτοὺς λέγειν, ὡς εἶεν Θεοί τινες ἢ λείψανα τοῦ χρυσοῦ γένους [9]. Hinc et Arcesilaum cùm ad eos à Theophrasto diverteret, dixisse ferunt, « Illos deos esse quospiam, aut aurei seculi reliquias. » Un peu plus bas, il observe que Crantor et Arcésilas logeaient ensemble, et que Polémon et Cratès, qui n’avaient qu’un même logis avec un bourgeois nommé Lysi-

  1. Diogen. Laërtius, lib. IV, num. 20.
  2. Pomp. Mela, lib. I, cap. XVIII, num. 20.
  3. Strabo, lib. XIII, pag. 422, in fine.
  4. Solin., cap. VII, pag. 22.
  5. Salmas. Exercitat. Plin., pag. 138.
  6. Menag., in Diogen. Laërt., pag. 176.
  7. Gassendi Operum tom. I, pag. 18.
  8. Diog. Laërtius, lib. IV, num. 28, 29.
  9. Idem, in Cratete, lib. IV, pag. 240, num. 22.