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ARCHÉLAÜS.

moyen ce que l’on peut dire pour et contre les auteurs : il soutient successivement le personnage d’un avocat demandeur, et d’un avocat défendeur.

(G) Il est vraisemblable qu’Archélaüs avait mené une vie impure, qui le fit périr. ] Aristote ayant dit que plusieurs conspirations ont été faites contre des monarques, à cause de leurs impudicités, allègue tout aussitôt l’attentat de Crateüs [1]. Cet homme ne pouvait digérer le déshonneur qu’Archélaüs lui faisait, en assouvissant sur lui la brutalité de ses amours : ainsi une autre offense, qui n’eût pas donné un prétexte légitime de conspirer, se joignant à celle-là, il résolut de se défaire de son maître. Cette autre offense fut que le roi, lui ayant promis l’une de ses filles, maria pourtant l’aînée au roi d’Elimée, et la cadette au fils d’Amyntas. La politique fut cause de ce manquement de parole. Se trouvant embarrassé de la guerre qu’il faisait à Sirras et à Arrabeüs, il voulut gagner le roi d’Élimée. Craignant d’ailleurs que le fils d’Amyntas n’excitât des troubles, il en fit son gendre, et il espéra que cette alliance maintiendrait l’union entre eux, et aurait le même effet quant au fils de Cléopâtre. Crateüs fit éclater alors son ressentiment ; mais la source de sa haine venait de l’injure qu’il recevait en son corps : Ἀλλὰ τῆς γε ἀλλοτριότητος ὑπῆρχεν ἀρχὴ τὸ βαρέως ϕέρειν πρὸς τὴν ἀϕροδισιαςικὴν χάσιν [2]. Sed alienationis origo et principium fuit quòd graviter tulisset se ejus libidini ad res venereas fuisse obsecutum. Hellanocrate de Larisse se joignit à lui dans cette conspiration, par de semblables motifs ; car ayant abandonné aux passions d’Archélaüs la fleur de ses jeunes ans, et ne voyant pas que cela lui procurât d’être rappelé de son exil, comme ce prince le lui avait fait espérer, il conclut qu’on s’était servi de sa personne, non par un effet d’amour, mais afin de le flétrir. Δι᾽ ὒβριν καὶ οὐ δι᾽ ἐρωτικὴνἐ πιθυμίαν ᾤετο εἶναι τὴν γεγενημένην ὁμιλίαν [3]. Consuetudinem illam secum esse institutam, non propter cupiditatem amatoriam, sed propter contumeliam existimavit. Notez que Plutarque nous apprend que Crateüs, le mignon d’Archélaüs, tua ce prince [4]. Platon nous apprend la même chose, sans nommer cet assassin et ce bardache ; mais il dit que le meurtrier ne se porta à cet attentat que pour s’emparer de la couronne, et qu’elle lui fut ôtée trois ou quatre jours après, par d’autres conspirateurs [5]. Je m’étonne que Diodore de Sicile ait rapporté d’une manière si différente de celle-là la mort de ce roi de Macédoine, et ses suites. Il est vraisemblable que Platon et Aristote, plus voisins du temps et du lieu où ces choses arrivèrent, les connaissaient mieux que lui.

J’ai observé quelques fautes dans le Commentaire de Gifanius sur ce passage d’Aristote. 1o. Cet auteur assure que Suidas a rapporté dans l’article d’Euripide que Cratevas ôta la vie au roi Archélaüs son amant [6]. Cela n’est pas vrai : Suidas ne parle de Cratevas que comme d’un poëte qui, de concert avec Arrhideüs, autre poëte, machina la mort d’Euripide. 2o. Au lieu de dire que Plutarque in Alcibiade posteriore, et Platon in Commentario de rebus amatoriis, ont parlé du meurtre d’Archélaüs [7], il fallait donner à Platon l’Alcibiades posterior, et à Plutarque le Commentaire de rebus amatoriis. 3o. Il n’est point vrai que Thucydide, au IVe. livre, fasse mention de la guerre d’Archélaüs contre Sirras et Arribæus [8] : il ne parle que de la guerre que le roi Perdiccas et Brasidas firent à Arrhibéus, roi des Macédoniens Lyncestes. 4o. Il est faux que Suidas ait mis Arrhibéus au nombre des conspirateurs contre la vie d’Archélaüs : il dit seulement que le poëte Cratevas fut secondé par un autre poëte nommé Arrhidéus, pour faire périr Euripide. 5o. Il ne fallait pas nommer roi d’Élibée [9], mais roi d’Élimée, le premier gendre d’Archélaüs.

  1. Arist., de Repub., lib. V, cap. X, pag. 305.
  2. Idem, ibidem.
  3. Idem, ibidem.
  4. Plutarch., in Amatorio, pag. 768, F.
  5. Plato, in Alcibiade posteriore, pag. 453, 454 ; Æliani Var. Hist., lib. VIII, cap. IX.
  6. Obertus Gifan., in cap. X, lib. V Politic. Aristot., pag. 669.
  7. Idem, ibid.
  8. De hoc bello Archelai adversùm Sirram et Arribæum.…. videatur Thucyd. lib. IV. Gisanius, in Politic. Aristot., lib. V, cap. X, pag. 669.
  9. Idem, ibidem.