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ARCHÉLAÜS.

puni de mort. Dion nous apprendra plus de circonstances.

(K) On croit qu’il évita l’arrêt du sénat, en faisant semblant d’extravaguer. ] Dion assure qu’Archélaüs, accablé de sa vieillesse, passait pour un homme qui radotait ; qu’il avait néanmoins tout son bon sens, mais qu’il contrefit le fou, parce qu’il ne voyait que ce seul moyen de sauver sa vie [1] ; qu’avec tout cela, il aurait passé le pas, si un faux témoin n’avait été l’accuser de s’être servi de menaces, et d’avoir dit que, quand il serait retourné en son royaume, il montrerait à Tibère qu’il ne manquait point de vigueur. Cela fit rire, et détourna Tibère du dessein de le faire mourir. Il était si faible, si atténué, qu’il le fallut porter en litière dans le sénat. Dion ajoute que, pour le coup, Archélaüs évita la mort ; mais qu’il mourut peu après. Le texte de ma remarque n’est point démenti par Dion ; car si le faux témoin sauva la vie à Archélaüs, ce ne fut qu’à cause qu’on jugea que les menaces dans un homme aussi confisqué que lui étaient une preuve certaine de délire, de radoterie, de rechute dans l’état d’enfance, etc. À ceci peut-on connaître que Xiphilin n’avait pas le goût fort bon. Il a supprimé la feinte folie d’Archélaüs. Or c’est un fait qu’il fallait garder, quelque court que l’on voulût être. David, Brutus, et quelques autres se sont utilement servis de cette feinte : j’en conviens ; mais ce sont pourtant des aventures singulières, et qu’un abréviateur doit retenir. N’oublions pas que Dion observe qu’Archélaüs avait été autrefois réellement fou, à telles enseignes qu’Auguste lui avait donné un tuteur qui fut régent du royaume. Je ne sais si ce ne serait point en cette rencontre qu’il eut recours à la protection de Tibère. Il y eut recours se voyant accusé par ses sujets ; mais ne pourrait-il pas avoir été accusé de folie, dans un temps qu’il lui restait assez de raison pour souhaiter qu’on ne le mit point en tutelle, et pour soutenir que ses sujets par belle malice le voulaient faire passer pour incapable du gouvernement ? Il serait difficile d’éclaircir cela. Les anciens historiens avaient tellement pour maxime de ne rapporter que le gros des choses qu’ils ne fournissent guère de lumières par rapport à certains petits détails. Leur maxime est très-bonne ; mais il y a un art de spécifier les faits en peu de mots et en passant, qui serait d’un grand usage si on le voulait, ou si on le savait pratiquer. Une histoire in-folio, par le moyen de cet art, lèverait mille disputes, éclaircirait cent choses particulières, sans être plus longue de cinquante pages.

(L) Après sa mort, la Cappadoce fut réduite en province. ] Velleius Paterculus, Tacite, Dion et plusieurs autres l’assurent formellement [2]. Voici les propres termes des trois premiers : Tib. Cæsar.... ut has armis ità auctoritate Cappadociam populo R. fecit stipendiarium [3]. Regnum in provinciam redactum est [4]. Paulò post obiit (Archelaüs) ac indè Cappadocia quoque Romanorum juris effecta, equitique regenda data [5]. Ce fut Germanicus qui exécuta cet ordre [6]. Appien s’est donc bien trompé, lorsqu’il a dit que le royaume de Cappadoce fut réduit en province sous Auguste [7]. Le père Noris, qui a relevé cette faute d’Appien, en a trouvé deux bien considérables dans Riccioli, l’une de généalogie, et l’autre de chronologie [8]. Les paroles qu’il rapporte de cet auteur sont celles-ci : Summoto Mithridate, creatus est Cappadocum consensu à Romanis Ariobarzanes ; tandem Archelao pronepote mortuo Romæ consulibus C. Cælio Rufo et L. Pomponio, ut ait Tacitus, id est anno 84 ante Christum, desiit regnare in Cappadociâ [* 1]. Ces paroles ont tout l’air d’un passage mutilé : il n’est point rare que des imprimeurs sautent des

  1. (*) Riccioli, Chron. Reformat., tom. I, lib. V, cap. IX, num. 5.
  1. M. de Tillement, Histoire des Empereurs, tom. I, pag. 107, impute faussement à Dion d’avoir dit qu’Archélaüs fut absous par le sénat, en faisant semblant d’avoir perdu l’esprit.
  2. Strabo, lib. XII, pag. 368. Sueton., in Tiber., cap. XXXVII. Eutrop., lib. VII, cap. VI.
  3. Paterc., lib. II, cap. XXXIX.
  4. Tacit., Annal., lib. II, cap. XLII.
  5. Dio, lib. LVII, pag. 614.
  6. Suet., in Calig., cap. I. Tacit., Annal., lib. II, cap. LVI.
  7. Appianus, in Mithridaticis, pag. 244, apud Noris, Cenot. Pisan., pag. 241.
  8. Noris, Cenot. Pisan., pag. 226.