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ARGYROPYLE.

Arétin eut une autre fille [* 1] qu’il souhaitait fort de marier [1].

  1. * Cette autre fille, née en septembre 1547, mourut à l’âge d’environ dix ans. L’Arétin, dit Joly, en eut quelques autres.
  1. Elle s’appelait Austria. Voyez la CCXe. Lettre du Ve. livre, et le feuillet 258 du VIe. livre.

ARGYROPYLE [a] (Jean), natif de Constantinople, se retira en Italie, pendant que les Turcs bouleversaient toute la Grèce (A). Il fut très-bien accueilli par Cosme de Médicis, qui lui donna à instruire son fils Pierre, et son petit-fils Laurent [b], et qui le fit professeur en grec dans la ville de Florence. Il témoigna sa gratitude dans la traduction qu’il fit de la Physique et de la Morale d’Aristote. Il eut un bonheur tout particulier dans ce travail, puisque Théodore Gaza, qui avait composé une semblable version, la jeta au feu, afin de ne point préjudicier à la fortune d’Argyropyle son bon ami. Gaza le surpassait en éloquence : sa version eût offusqué infailliblement celle-là ; et comme il n’ignorait pas l’ambition d’Argyropyle, il lui fit un sacrifice qui, de l’humeur dont il était, ne lui coûta pas beaucoup. C’était un homme qui ne se souciait, ni de louanges, ni d’argent. Les discours d’Argyropyle dégoûtèrent et fatiguèrent les hommes doctes ; et surtout quand il soutint que Cicéron avait ignoré le grec. Il quitta la Toscane dans un temps de peste, et s’en alla à Rome, et y fit des leçons sur le texte grec d’Aristote. Ses gages furent considérables ; mais comme il aimait à manger beaucoup, et à boire tout autant, et que sa complexion pouvait soutenir la charge, il dépensait tout ce qu’il gagnait. On croira donc aisément ce qui a été rapporté touchant sa bedaine (B). Il mourut à l’âge de soixante-dix ans : ce fut d’une fièvre qu’il gagna pour avoir mangé trop de melons [c]. Il témoigna beaucoup de constance lorsqu’un de ses fils fut tué à Rome [d]. Voyez, touchant l’ordre que donna le pape Paul II de poursuivre les meurtriers, et les funérailles du défunt, la CCe. lettre du cardinal de Pavie, page 620. On a remarqué qu’il fut le premier des Grecs qui enseigna la philosophie dans cette ville-là (C). Il disputait avec beaucoup de vigueur, et il avait une science fort étendue [* 1]. Il laissa un fils, qui fut un excellent musicien [e]. Les jugemens qu’on a faits de ses versions diffèrent extrêmement les uns des autres (D).

  1. * Joly regrette que Bayle n’ait pas consulté les Lettres de Philelphe. Il y aurait trouvé un éloge complet d’Argyropyle dont Hodi a écrit la vie dans son Traité de Græcis illustribus, linguæ græcæ, litterarumque humaniorum instauratoribus, Londres, 1742, in-8.
  1. Et non pas Argirophile, ni Argyrophile, comme dans Moréri.
  2. Et non pas son neveu, comme dans Moréri.
  3. Tiré de Paul Jove, Elog. cap. XXVII.
  4. Petrus Alcyonius, in Medice Legato priore, pag. 25.
  5. Obiit, relicto filio Isacio, nobili musico. Volaterran., lib. XXI, pag. 776.

(A) Il se retira en Italie pendant que les Turcs bouleversaient toute la Grèce. ] Je n’ai pas osé dire, avec Moréri, qu’il se retira en Italie après qu’ils eurent conquis Constantinople ; car deux raisons me font douter de cela. L’une est que Paul Jove dit qu’Argyropyle fut poussé en Italie par la même tempête qui contraignit Théodore Gaza de s’y retirer [1]. Or, il

  1. Paulus Jovius, Elogior. cap. XXVII, pag. 64.