Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/333

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
.323
ARISTARQUE

noli nos impietatis reos facere, eo pacto quo Aristarchus putavit Cleanthem Samium violatæ religionis à Græcis debuisse postulari, tanquam universi lares Vestamque si loco movisset : quòd is homo conatus ea quæ in cœlo apparent tutari certis ratiocinationibus, posuisset cœlum quiescere, terram per obliquum evolvi circulum, et circa suum versari interim axem. Les copistes, ce me semble, ont transposé les noms : il faut lire Cléanthe jugeait que la Grèce eût dû faire un procès d’irréligion à Aristarque le Samien, etc. C’est une conjecture de Gassendi [1] : c’est une correction que M. Ménage adopte comme très-certaine. In verbis Plutarchi, dit-il [2], legendum omninò : ὥσπερ ̓Αρίςαρχον τὸν Σάμιον ᾤετο Κλεάνθης δεῖν ἀσέϐειας προκαλεῖσθαι τοὺς Ἕλληνας. Amiot n’avait point senti la faute.

(B) On n’est pas bien d’accord sur de temps où il a vécu : on sait seulement qu’il n’est point né depuis la mort d’Archimède. ] Les paroles que j’ai citées [3] prouvent que pour le plus tard notre Aristarque n’a pu être que contemporain d’Archimède : or, nous savons qu’Archimède perdit la vie lorsque Syracuse fut prise par les Romains, l’an Ier. de la 142e. olympiade, pendant la seconde guerre punique. Notez que, selon Plutarque, cité ci-dessus, Timée de Locres a vécu avant Aristarqne ; car la pensée platonique qu’on veut éclaircir se trouve dans Platon comme si Timée l’avait dite en conversation. Or, puisque Platon a été disciple de ce Timée [4], et cela après avoir vu l’Égypte, il faut conclure que, si Plutarque a bien observé les temps, Aristarque a fleuri après Platon. Nous savons donc qu’il n’a point fleuri après Archimède, ni avant Platon, et je ne crois pas qu’il soit facile de se fixer à quelque chose de plus précis. Blancanus a mis Aristarque deux siècles avant Hipparque, et il a mis celui-ci cent ans après la mort d’Alexandre, c’est-à-dire, cent ans après la 1re. année de la 114e. olympiade [5]. Il a donc cru qu’Aristarque florissait vers la 89e. olympiade, un peu après la naissance de Platon. Cela ne s’accorde point avec le passage de Plutarque que j’ai allégué. L’opinion de Simler ne s’y accorde pas mieux. Cet auteur a fuit fleurir Aristarque sous le règne d’Artaxerxés-Longuemain, qui s’est étendu depuis la 1re. année de la 79e. olympiade, jusqu’à la dernière année de la 88e. [6]. Libertus Fromondus est encore plus contraire au sentiment de Plutarque, puisqu’il ignore si Aristarque a précédé ou suivi Pythagoras [7]. Je crois que Vossius [8] aurait réfuté cette incertitude par l’autorité de Plutarque, s’il se fût souvenu des paroles que j’ai citées. Jean Stadius croit qu’Aristarque survécut à Archimède ; car il le fait fleurir dans l’olympiade 144 [9]. Notez que Vitruve, en parlant de quelques mathématiciens qui ont été inventeurs, met Aristarque au premier rang [10]. Si l’on se réglait à cela, on le croirait antérieur à Philolaüs et à Architas de Tarente.

  1. Gassend. Physicæ sect. II, lib. III, cap. V, pag. 617, tom. I Operum.
  2. Menagius, in Diogen. Laërt, lib. VIII, num. 85, pag. 389.
  3. Dans la remarque précédente, citation (3).
  4. Cicero, de Finib., lib. V, cap. XXIX, et Tusculan., lib. I, folio 248, A.
  5. Blancanus, in Mathematicorum Chronologiâ, ad calcem libri, de Aristotelis Locis mathematicis, pag. 46 et 49.
  6. Simlerus, in Epitome Bibliothecæ Gesneri.
  7. Lib. Fromond. de Orbe Terræ immobili, pag. 1. Il a intitulé ce livre, Ant-Aristarchus.
  8. Vossius, de Scient. Mathem., pag. 157.
  9. Job. Stadius, in Præf. Tabularum Bergensium, apud Vossium, de Scient. Mathem., pag. 157.
  10. Vitruvius, de Architect., lib. I, cap. V.

ARISTARQUE, grammairien célèbre, naquit dans la Samothrace, et eut pour patrie d’adoption la ville d’Alexandrie [a]. Il fut fort considéré de Ptolomée Philometor, qui lui confia l’éducation de son fils (A). Il s’appliqua extrêmement à la critique, et il fit une révision des Poésies d’Homère, avec une exactitude incroyable, mais un

  1. Ἀλεξανδρεὺς μὲν θέσει, τῇ δὲ ϕύσει Σαμοθρᾷξ Suidas in Ἀρίςαρχος.