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ARISTARQUE.

phanis meminit Suidas, in quo obiter librariorum error in olympiade notandus est. Ipse namque habet, Γέγονε δὲ κατὰ τὴν μέ Ὀλυμπιάδα, quæ Hieronymus Wolphius vertit, Vixit olympiade XLV, cùm omninò scribendum sit ρμέ, id est, CXLV [1]. L’auteur anonyme de la Description des olympiades met sous celle-ci Aristophane le Byzantin. À cela n’est point contraire la remarque de Suidas, que le même Aristophane fut, dans son adolescence, disciple de Callimachus : Μαθητὴς Καλλιμάχου καὶ Ζηνοδότου, ἀλλὰ τοῦ μὲν νέος τοῦ δὲ παῖς ἤκουσε [2]. Discipulus Callimachi et Zenodoti, sed illum quidem adolescens, hunc verò puer audivit. Un homme qui a fleuri dans l’olympiade 145 a pu être le disciple de Callimachus ; car ce poëte a vécu jusqu’au règne de Ptolomée Évergètes, fils de Ptolomée Philadelphe, et nous savons que ce Ptolomée Évergètes a régné jusqu’à la fin de l’olympiade 139. Or, si Aristarque a été disciple d’Aristophane le Byzantin, c’est bien marquer l’état où il a fleuri, que de le mettre, comme Suidas a fait, sous la 156e. olympiade. Ceux qui pèseront bien toutes ces choses auront quelque peine à s’accommoder de cette proposition : Aristarque.…. vivait du temps de Ptolomée Philadelphe, en même temps que Callimaque [3]. Le docte Heinsius observe qu’il y a des gens qui le disent [4] ; et puisqu’il ne les en blâme point, on le peut prendre pour l’approbateur de ce sentiment. Il eût mieux fait de le condamner. M. le Fèvre est en ceci plus croyable que son beau-fils : il met Aristarque sous le règne de Ptolomée Philometor [5]. Voyez la remarque (G), où nous prouverons la vérité de cette opinion par la contemporanéité de Cratès et d’Aristarque. Un passage d’Athénée a pu faire croire que notre critique a vécu sous Ptolomée Philadelphe : c’est l’endroit où Athénée rapporte que Ptolomée Évergètes a été l’un des disciples d’Aristarque [6]. Pour n’avoir pas bien examiné tout, on aura pu se persuader que ce Ptolomée Évergètes est le fils de Ptolomée Philadelphe ; mais il est sûr qu’il le faut pour Ptolomée Physcon [7], frère de Ptolomée Philometor. En effet, Athénée parle d’un Ptolomée qui a fait des livres, et qui est nécessairement le même que celui qu’il cite au livre XII [8], et qu’il compte pour le septième roi d’Égypte.

Voici de nouvelles preuves contre l’opinion de M. Dacier. On sait que Démétrius Scepsius [9] a vécu au même temps qu’Aristarque. C’est ce que Strabon témoigne : κατὰ τὸν αὐτὸν χρόνον γεγονὼς Κράτητι καὶ Ἀριςάρχῳ [10], æqualis Cratetis et Aristarchi. Vossius ne considéra point ces paroles avec attention lorsqu’il avança que Strabon assure que Démétrius Scepsius fut disciple de Cratès et d’Aristarque [11]. Or, ce Démétrius fut contemporain d’un Métrodore [12] que Mithridate fit mourir l’an de Rome 681 [13]. Jugez si un homme qui aurait fleuri sous Ptolomée Philadelphe a pu être contemporain de ce Métrodore. La mort de ce Ptolomée tombe sur l’an de Rome 506. Notez qu’on peut recueillir de Diogène Laërce que Démétrius était plus âgé que Métrodore ; et, cela étant, on ne peut rien rétorquer, on ne peut point dire que je prouve trop. Notez aussi qu’un fils d’un disciple d’Aristarque [14] vivait encore quand Strabon avait assez d’âge pour assister aux leçons publiques [15]. Or, puisque Strabon a vécu jusque sous Tibère, il n’a

  1. Allatus, de Patriâ Homeri, pag. 103.
  2. Suidas, in Ἀρίςοϕάνης. Portus a mal traduit ces paroles : Hunc quidem, dit-il, adolescens, illum verò puer audivit.
  3. Dacier, Remarques sur l’Art Poétique d’Horace, vs. 450, pag. 371, édition de Hollande.
  4. Heinsius, in Prolegomenis Aristarchi sacri, folio **3.
  5. Le Fèvre, Vie des Poëtes grecs, pag. 7.
  6. Athen., lib. II, sub finem, pag. 71, B.
  7. C’est le même que le second Évergètes.
  8. Pag. 549. Il le cite en plusieurs autres endroits.
  9. C’est-à-dire, natif de Scepsis, ville de Mysie.
  10. Strabo, lib. XIII, pag. 419.
  11. Vossius, de Hist. Græcis, pag. 135.
  12. Diog. Laërce, liv. V, num. 84, dit que Démétrius Scepsius avança Métrodore son compatriote. C’est celui que Mithridate fit mourir.
  13. Plutarch., in Lucullo, pag. 506. Voyez aussi Strabon, lib. XIII, pag. 419, qui laisse indécis si Mithridate le fit mourir.
  14. Il s’appelait Aristodème : son père, nommé Ménécrate, avait été disciple d’Aristarque. Voyez Strabon, liv. XIV, pag. 447.
  15. Strabo, ibid.