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ARISTÉE.

remarque suivante. Il n’est pas vrai, comme M. Lloyd l’assure, qu’Apollonius fasse passer Aristée de l’Arcadie en l’île de Céa. Il a copié cette faute de Saumaise [1].

(F) Je n’oublierai point la découverte astronomique que l’on donne à Aristée. ] À ne considérer les paroles de Justin que fort superficiellement, il pourrait venir dans l’esprit qu’il attribue à Aristée la première découverte des solstices ; mais ceux qui lisent avec attention s’aperçoivent aisément qu’il parle du lever de la canicule. Aristæum in Arcadiâ latè regnâsse, eumque primum et apium et mellis usum et lactis ad coagula hominibus tradidisse, solstitialesque ortus sideris primum invenisse [2]. Les plus savans critiques ont remarqué qu’il faudrait lire ou solstitialisque ortus sideris, ou solstitialesque ortus Sirii [3]. L’une et l’autre de ces deux leçons nous donnent la canicule, à ce qu’ils prétendent. Ce qu’il y a de certain est que cet astre avait une relation particulière à notre Aristée. En voici la cause : les chaleurs de la canicule désolaient les îles Cyclades, et y produisaient une peste que l’on pria Aristée de faire cesser. Il passa alors en l’île de Céa, et fit bâtir un autel à Jupiter : il offrit des sacrifices à ce dieu ; il en offrit aussi à cet astre malfaisant, et lui établit un anniversaire. Cela produisit un très-bon effet ; car ce fut de là que les vents étésiens tirèrent leur origine ; vents qui durent quarante jours, et qui tempèrent l’ardeur de l’été.

Καὶ βωμὸν ποίησε μέγαν Διὸς ἰκμαίοιο·
Ἱερά τ᾽ εὖ ἔῤῥεξεν ἐν οὔρεσιν ἀςέρι κείνῳ
Σειρίῳ, αὐτῷ τε Κρονίδῃ Διί. Τοῖο δ᾽ ἕκητι
Γαῖαν ἐπιψύχουσιν ἐτήσιοι ἐκ Διὸς αὖραι
Ἤματα τεσσαράκοντα. Κέῳ δ᾽ ἔτι νῦν ἱερῆες
Ἀντολέων προπάροιθε κυνὸς ῥέζουσι θυηλάς. [4].

Tùm augusta extructa ara Jovis Humiferi,
Sacra litato fecit in montosis et stellæ illi
Sirio, et ipsi Jovi Saturni filio. Cujus rei gratiâ
Venti Diales anniversarii perfrigerant tellurem
Quadraginta diebus ; et hodièque sacerdotes in Co
Ante Caniculæ exortum operantur sacris.


Diodore de Sicile ne fait pas entendre avec assez de clarté, si les vents étésiens furent l’effet du sacrifice d’Aristée [5]. Il semble dire que ce sacrifice ayant été offert environ le temps du lever de la canicule, temps qui concourt avec la saison de ces vents étésiens, la peste cessa. Mais il est sûr qu’il prétend que les ardeurs de la canicule furent adoucies par les actes de religion qu’Aristée fit. Il trouve en cela un sujet d’étonnement, puisque la même personne dont le fils avait été déchiré par les chiens, corrigea la malignité d’un astre qui s’appelle le chien. Je laisse son grec, et je ne rapporte que la traduction de Rhodoman. Singularem hanc rerum conversionem, si quis penitiùs examinet, meritò demiretur. Qui enim filium à canibus discerptum vidit, is cœlestè sidus canis nomine appellatum, quod hominibus exitium adferre putatur, mitigavit, et mortalibus non paucis auctor salutis extitit [6]. D’autres auteurs disent en termes clairs et précis, que les dévotions d’Aristée furent la cause de ces vents-là. Canicula exoriens æstu eorum [7] loca et agros fructibus orbabat : et ipsos morbo affectos, pœnas Icario cum dolore sufferre cogebat, eò quòd latrones recipissent. Quorum rex Aristeus, Apollinis et Cryenes filius, Actæonis pater, petit à parente quo facto à calamitate civitatem posset liberare : quem Deus jubet multis hostiis expiare Icarii mortem, et ab Jove petere, ut quo tempore canicula exoriretur, dies quadraginta ventum daret, qui æstui caniculæ mederetur. Quod jussum Aristeus confecit, et ab Jove impetravit ut Etesiæ flarent [8]. Le scoliaste d’Apollonius dit formellement, qu’à la prière d’Aristée, les vents étésiens soufflèrent. Ὅτι ἐτησίαι ἔπνευσαν Ἀριςαίου αἰτεσαμένου [9]. Consultez aussi le commentaire de Ger-

  1. Salmas., in Solin., pag. 99.
  2. Justin., lib. XIII, cap. VII, pag. 313, 314.
  3. Voyez le Justin Variorum de M. Grævius, sur cet endroit.
  4. Apollon., Argon., lib. II, vs. 524.
  5. Diodor. Sicul., lib. IV, cap. LXXXIV.
  6. Idem, ibid., pag. 268.
  7. C’est ainsi qu’il faut lire, et non pas corum. Voyez Saumaise, sur Solin, pag. 144.
  8. Hygin. Poëtic. Astronom., lib. II, cap. IV, pag. 365.
  9. Schol. lApollon., in lib. II, vs. 500.