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ANAXAGORAS.

cère : Νοῦν δέ τις εἰπὼν εἶναι, καθάπερ ἀν τοῖς ζώοις, καὶ ἐν τῇ ϕύσει τὸν αἴτιον καὶ τοῦ κόσμου, καὶ τῆς τάξεως πάσης, οἷον νήϕων ἐϕάνη παρ᾽ εἰκὴ λέγοντας τοὺς
πρότερον. Φανερῶς μὲν οὖν Ἀναξαγόραν ἴσμεν ἁψάμενον τούτων τῶν λόγων [1]. Quare qui ut animalibus, ità in naturâ intellectum inesse causam mundi, totiusque ordinis dixerat, quasi sobrius, comparatus ad antiquiores vana dicentes, apparuit. Istas autem rationes qui palàm attigit, Anaxagoram fuisse scimus. Si ces témoignages sont bien formels, celui de Plutarque l’est peut-être encore plus. Voyons les paroles de cet auteur : Ὅν (Ἀναξαγόραν) οἱ τοτ᾽ ἄνθρωποι νοῦν προσηγόρευον, εἴτε τὴν σύνεσιν αὐτοῦ μεγάλην εἰς ϕυσιολογίαν καὶ περιττὴν διαϕανεῖσαν θαυμάσαντες, εἴθ᾽ ὅτι τοῖς ὅλοις πρῶτος οὐ τύχην οὐδ᾽ ἀνάγκην, διακοσμήσεως ἀρχήν, ἀλλὰ νοῦν ἐπέςησε καθαρὸν καὶ ἄκρατον, ἐμμεμιγμένοις πᾶσι τοῖς ἄλλοις, ἀποκρίνοντα τὰς ὁμοιομερείας. [2]. Quem (Anaxagoram) illius temporis æquales Mentem uppellavêre, vel quòd perspicaciam ejus singularem in naturâ perscrutandâ, excellentemque admirarentur, vel quôd universitati, non fortunam neque fatum ordinatæ descriptionis principium, sed Mentem princeps puram ac sinceram præfecerit, cum omnibus confusas aliis secernentem particulas similes. Ce passage est cité par quelques auteurs, comme s’il y fallait lire ἐμμεμιγμένον μένον au lieu de ἐμμεμιγμένοις ; mais j’aimerais mieux rejeter l’une et l’autre de ces deux leçons, et substituer ἐμμεμιγμένας. C’est ainsi que l’auteur de la traduction latine que je rapporte a supposé qu’il fallait lire. Vossius, citant en grec ce passage avec le mot ἐμμεμιγμένον, ne laisse pas de donner une traduction qui montre qu’il s’est réglé sur ἐμμεμιγμένοις ; Voici sa version : Non fortunam neque fatum ordinatæ descriptionis principium, sed Mentem puram ac sinceram præfecerit, ab aliis omnibus admixtis similes particulas secernentem [3]. Fort peu de pages après, il emploie le même passage à prouver qu’Anaxagoras enseignait que Dieu est mêlé avec toute la matière : Quarè ex ejus sententiâ opifex mundi Deus est, ut ex Plutarcho anteà monitum, νοῦν καθαρὸς καὶ ἄκρατος, ἐμμεμιγμένος πᾶσι, mens pura ac sincera omnibus permixta [4]. Je ne crois point que Plutarque ait voulu parler d’aucun mélange de la nature divine avec les parties de la matière : cela s’accorderait mal avec l’épithète καθαρὸν et ἄκρατος, dont il venait de se servir, et par laquelle il a marqué clairement qu’Anaxagoras croyait que Dieu est un esprit pur et simple, distinct et séparé de la matière. Son sens est, à mon avis, que cet esprit immatériel séparait les homoémeries mêlées avec tous les autres corps. Voilà comment il est difficile aux plus savans hommes, tel qu’a été Vossius, d’écrire beaucoup, et de prendre garde à toutes choses : l’attention les abandonne souvent ; ils oublient en un lieu ce qu’ils ont dit en un autre ; il leur arrive même de ne pas trop s’accorder au commencement et à la fin d’une période.

J’ai une nouvelle raison de croire que Plutarque a voulu dire ce que je lui attribue ; car, outre ce que je rapporterai de Tertullien [5], je vois dans Aristote qu’Anaxagoras disait que l’esprit qui avait mû la matière était exempt de tout mélange : Πλὴν ἀρχήν γε τὸν νοῦν τίθεται μάλιςα πάντων· μόνον γοῦν ϕησὶν αὐτὸν τῶν ὄντων ἁπλοῦν εἶναι, καὶ ἀμιγῆ τε καὶ καθαρόν. Ἀποδίδωσι δ᾽ ἄμϕω τῇ αὐτῇ ἀρχῇ, τό τε γινώσκειν καὶ τὸ κινεῖν, λέγων νοῦν κινῆσαι τὸ πᾶν. [6]. Verum mentem principium maximè omnium ponit : solam namque rerum omnium ipsam, simplicem et non mistam et puram esse sinceramque dixit. Atque eidem principio hæc utraque tribuit, cognitionem inquam et motum, dicens universum mentem movisse. Cela est encore plus clair dans les paroles suivantes : ϕησὶ (Ἀναξαγόρας) δ᾽ εἶναι μεμιγμένα πάντα, πλὴν τοῦ νοῦ· τοῦτον δὲ ἀμιγῆ μόνον καὶ καθαρόν. [7] Ait autem (Anaxagoras) omnia

  1. Idem, ibid.
  2. Plutarch. in Pericle, pag. 154, B.
  3. Vossius de Origine et Progressu Idololatriæ, lib. I, cap. I, pag. 5.
  4. Idem, ibid., cap. II, pag. 12.
  5. Dans la remarque (E).
  6. Arist. de Animâ, lib. I, cap. II, pag. 479, D. Voyez aussi le IVe. chapitre du IIIe. livre, pag. 503, G, où l’on trouve qu’Anaxagoras disait que l’Entendement devait être pur de tout mélange, afin d’être maître. Ἀμιγῆ εἶνα : ἵνα κράτῃ, τοῦτο δ᾽ ἐςὶν, ἵνα γνωρίζῃ. Non mistum esse, ut superet atque vincat, id est ut cognoscat.
  7. Aristotel., Metaphys., lib. I, cap. VII, pag. 651, E.