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Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/454

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ARSINOÉ.

ARSINOÉ, femme de Magas, roi de Cyrène (A), se déshonora par ses impudicités. Magas, un peu avant que de mourir, accorda leur fille unique Bérénice au fils de Ptolomée, roi d’Égypte. Dès qu’il fut mort, Arsinoé, qui n’avait vu qu’à regret ces fiançailles, prit des mesures pour les rompre. Elle fit offrir Bérénice, avec le royaume de Cyrène, à Démétrius frère du roi Antigonus [a]. Ces offres furent acceptées. Démétrius s’embarqua tout aussi tôt, et eut un vent si favorable, qu’il ne tarda guère à voir Bérénice. Il était bel homme, et cela le rendit d’autant plus fier, qu’il s’aperçut promptement de l’impression que sa beauté avait faite sur le cœur d’Arsinoé. Il négligea la fille pour se rendre plus agréable à la mère ; il traita les troupes de haut en bas ; enfin il se rendit si odieux, que tout le peuple tourna ses désirs vers le fils de Ptolomée. On résolut de se défaire de Démétrius, et l’on en concerta les moyens avec Bérénice [b]. On lâcha sur lui les assassins destinés à le tuer ; on les lâcha, dis-je, dans un temps qu’il avait choisi pour coucher avec Arsinoé (B). Cette femme ayant ouï sa fille, qui se tenait à la porte, et qui commandait que l’on épargnât sa mère, couvrit de son corps son galant le mieux qu’elle put ; mais ses efforts furent inutiles. On le tua, ensuite de quoi le mariage de Bérénice avec le fils de Ptolomée sortit son plein et entier effet [c]. Justin, si je ne me trompe, est le seul historien qui nous apprenne cela : j’en suis surpris, car une action de cette nature méritait bien d’être remarquée. Ce qu’il y a encore de bien étrange, c’est que personne ne nous dit ce que devint Arsinoé, ni d’où elle était, ni ce que devint cette Bérénice ; et bien loin que l’on rapporte que Ptolomée Évergètes, fils de Ptolomée Philadelphe, l’ait épousée, on nous assure qu’il se maria avec Cléopâtre. Matthias, qui le dit [d], ne cite personne ; mais on voit dans Josephe, au chapitre IV du XIIe. livre de ses Antiquités judaïques, que la femme de Ptolomée Évergètes se nommait Cléopâtre. Notez que Ptolomée Évergètes eut un fils appelé Magas [e], d’où l’on peut conjecturer que le père de sa femme se nommait Magas, comme Justin le rapporte. Je marquerai quelques erreurs de M. Moréri (C), et une de M. Ménage (D).

  1. Il était roi de Macédoine.
  2. On peut inférer cela des paroles de Justin.
  3. Tiré de Justin, liv. XXVI, chap. III.
  4. Matth. Theatrum histor., pag. 363.
  5. Plutarch. in Agide et Cleomene, pag. 820.

(A) Elle était femme de Magas, roi de Cyrène. ] est nommé Agas dans les éditions de Justin ; mais les bons critiques ont remarqué, il y a long-temps, qu’il faut lire Magas : c’est ainsi, ajoutent-ils, que Pausanias, Polyænus et Athénée le nomment [1]. On leur objectera, peut-être, que celui dont Pausanias a fait mention n’est point le mari de notre Arsinoé ; car il était frère utérin de Ptolomée Philadelphe, au lieu que le mari d’Arsinoé était frère de Ptolomée Évergètes. Voici l’histoire de ce Magas, selon Pausanias. Il était fils de

  1. Voyez le Commentaire de Justin, dans l’édition de M. Grævius, à Leyde, en 1683.