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Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/472

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ARTAXATA.

postérieure d’environ trente ans à celle que Pompée fit en ce pays-là. Je n’ai remarqué, ni dans Plutarque, ni dans Appien aucun Artavasde roi des Mèdes, qui ait été attaqué par Pompée. Je vois seulement dans Appien que Pompée subjugua Darius roi des Mèdes [1].

  1. Appian., in Mithridat.

ARTAXATA (A) était la ville capitale de l’Arménie sur la rivière d’Araxe. Ce fut Annibal qui non-seulement en traça le plan, mais qui en dirigea aussi la construction, à la prière d’Artaxias, roi d’Arménie, chez qui il s’était retiré après la défaite d’Antiochus [a]. On peut croire qu’une situation, qui avait été choisie par un si grand capitaine, était fort avantageuse (B), soit en temps de guerre, soit en temps de paix. Cette ville fut brûlée par Corbulon, l’an de Rome 811 [b]. Ce grand capitaine n’aurait point exercé cette rigueur contre les habitans, qui lui avaient porté les clefs de la ville dès qu’il l’eut fait investir, si les lois de la guerre ne l’y eussent comme forcé (C). C’était une grande ville, qu’il ne pouvait garder sans une grosse garnison ; il ne pouvait y laisser autant de soldats qu’il y en fallait, sans affaiblir de telle sorte son armée, qu’il eût été hors d’état de rien entreprendre ; et il n’y eût eu ni profit ni gloire à la conquête d’une place qu’on aurait abandonnée toute telle qu’on l’aurait prise. Il se résolut donc à la ruiner, et y fut encouragée par un grand miracle (D), si credere dignum est. La ville fut couverte tout d’un coup d’un nuage épais d’où partaient une infinité d’éclairs, pendant que le soleil luisait comme de coutume jusqu’à l’enceinte des murailles. Cette ville fut rebâtie quelque temps après par Tiridate, qui la nomma Néronée, pour faire honneur à Néron [c], duquel il avait reçu nulle caresses à Rome, où il était allé lui rendre hommage l’an de Rome 819.

  1. Plutarc., in Lucullo, pag. 513. Strabo, lib. XI, pag. 364. Voyez l’article d’Artaxias Ier., citation (c).
  2. C’est le 58e. de Jésus-Christ.
  3. Xiphil. in Nerone.

(A) Artaxata. ] Plutarque observe que cette ville tira son nom de celui du roi Artaxas (ou Artaxias) à qui Annibal en proposa la construction [1]. Ce que MM. Lloyd et Baudrand remarquent, que Tacite l’appelle Artaxie, n’est pas vrai : il l’appelle constamment Artaxata. Ce qu’ils ajoutent, que Strabon la nomme Artaxiasata [2], n’est point exact ; car c’est clairement insinuer qu’il ne la nomme qu’ainsi, ou que du moins c’est le principal nom qu’il lui donne. Or il est certain qu’il l’appelle principalement Artaxata, et qu’il se contente de dire une fois qu’elle avait le nom d’Artaxiasata. Pinedo a eu raison de changer Ἀρταξιασώτα en Ἀρταξιάσατα dans Étienne de Bysance, qui sans doute n’a point parlé autrement que Strabon, puisqu’il le cite. Il est sûr, du moins, qu’il n’a pas nommé cette ville Artaxia, comme Ortelius le lui impute aussi faussement qu’à Tacite. L’omission que Pinedo reproche à cet Étienne est inexcusable ; car qu’Annibal réfugié dans l’Arménie, et remarquant une situation très-avantageuse, ait conseillé au prince son hôte d’y faire bâtir une ville, et qu’il se soit chargé de la direction de ce travail, est une circonstance que l’on ne doit pas supprimer dans un dictionnaire de villes. Je dirais volontiers qu’Étienne, ayant Strabon devant les yeux, quand il fit

  1. Plutarch., in Lucullo, pag. 513.
  2. C’est apparemment par une faute d’impression qu’on lit Arraxiasatra dans M. Baudrand.