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ARTÉMISE.

si eum fortunæ indulgentiâ non ex philosophiæ censurâ metiris : si virum tam austeræ sectæ, tamque diutinæ militiæ non putus amiciorem esse coërcitæ mediocritati quàm delicatæ opulentiæ [1].

(H) Il avait fait un traité des Augures, et un de la Chiromance. On ne les a point. ] C’est à tort que Vander Linden assure, même dans l’édition de Merklinus, qu’Alde les a imprimés en grec, que Cornarius les a traduits en latin, et que Rigaut les a publiés en ces deux langues [2]. Il faut remonter un peu plus haut pour trouver l’origine de ce mensonge ; et il n’est pas inutile de faire cette observation : elle peut faire comprendre à ceux qui font des abrégés la cause la plus féconde des égaremens où ils engagent leur lecteur. Gesner avait dit : Artemidorus.... scripsit de somniorum interpretatione libros 4, item de auguriis, et manuum inspectione. Suidas. Hujus autoris quinque libros Aldus græcè excudit [3]. Il avait observé ensuite que ces cinq livres ne regardaient que les songes. Voici comment Simler abrégea ce texte : Artemidorus.... scripsit de somniorum interpretatione lib. 4. Item de auguriis, et manuum inspectione. Eos Aldus græcè excudit. Est-ce réduire en moins de mots ce qu’a dit un homme, ou est-ce le falsifier ? C’est plutôt le dernier que le premier.

  1. Apuleii Apologia, pag. 140.
  2. Vander Linden, de Scriptis Medicis.
  3. Gesner., Bibliothec., folio 96 verso.

ARTÉMISE, reine de Carie, et fille de Lygdamis (A), suivit en personne le roi Xerxès dans la guerre contre les Grecs (B). C’était une femme capable des grandes affaires, et qui avait un courage tout-à-fait viril. Se trouvant donc saisie de l’autorité souveraine, pendant les préparatifs de Xerxès, tant à cause qu’elle était veuve, qu’à cause de la minorité de son fils [a], elle prit cette occasion de faire parler de soi, et s’engagea de son propre mouvement à cette fameuse expédition. Personne ne s’y distingua plus qu’elle, soit du côté de la tête, soit du côté de la main. Les raisons qu’elle allégua pour soutenir son avis, qui était de ne point donner la bataille de Salamine [b], étaient les plus sensées du monde. Elle se tira d’affaire fort habilement dans ce combat ; car se voyant poursuivie par un vaisseau athénien, sans aucune apparence de se pouvoir garantir de cette poursuite, elle attaqua un vaisseau des Perses monté par Damasithymus roi de Calynde, avec qui elle avait eu une querelle, et le coula à fond [c]. Cela fit croire à ceux qui la poursuivaient que son vaisseau était du parti des Grecs (C), et il n’eurent garde de pousser leur pointe. Par bonheur pour elle il ne se sauva personne du vaisseau de Damasithymus ; de sorte que, sans avoir passé pour la cause de cette perte, elle se défit d’un ennemi, elle évita d’être prise, et fut louée d’avoir coulé à fond un vaisseau grec. Xerxès fut sa principale dupe là-dedans ; car il s’écria que ses hommes s’étaient comportés comme des femmes, et ses femmes comme des hommes (D). Il lui confia la conduite des jeunes princes de Perse ses enfans, lorsque suivant ses avis il abandonna la Grèce pour repasser en Asie. Les Athéniens étaient si fâchés qu’une femme leur fit la guerre, qu’ils promirent une grande somme à ceux qui prendraient Artémise, et qu’ils ordonnèrent à tous leurs

  1. Il s’appelait Pisindele. Voyez la remarque (E) de l’article Mausole.
  2. Herod., lib. VIII, cap. LXVII.
  3. Ibid., cap. LXXXVII.