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ARTÉMISE.

portent que Mausole, roi de Carie, mourut l’an 2 de la 100e. olympiade, le 302 de Rome [1]. Mais le père Hardouin a mis dans la sienne, suivant les meilleurs manuscrits, la 106e. olympiade, et l’an 402 de Rome. Obiit olympiadis centesimæ sextæ anno secundo, urbis anno CCCCII. M. Chevreau observe qu’Ussérius a jugé que le passage de Pline était corrompu, et que Mausole est mort la quatrième année de la 106e. olympiade, l’an du monde 3651 [2]. Cela s’accorde parfaitement avec ces paroles du père Hardouin : Quid quod et Diodorus non ad olympiadis CVI annum alterum Mausoli obitum, sed ad quartum refert., lib. 16, vers. 435 [3], et avec la durée des règnes de ceux qui ont succédé à Mausole jusqu’à l’expédition d’Alexandre. Voyez la remarque (A) de l’article Ada. Il est certain que Mausole était déjà mort, et qu’Artémise, qui ne lui a survécu que deux ans, n’était pas encore morte lorsque Démosthène harangua pour la liberté des Rhodiens. Or il prononça cette harangue l’an 2 de la 107e. olympiade, comme on le peut recueillir de Denys d’Halicarnasse [4] : il faut donc que Mausole soit mort la dernière année de la 106e., et que l’anonyme qui a décrit les olympiades se soit trompé en mettant l’oraison funèbre de Mausole, par Théopompus, à la première année de la 103e. olympiade. M. de Valois a commis la même faute. Hæc Artemisia in funere mariti agones celebravit olympiade 103 [5]. Ceux qui, à l’exemple de Calepin, de M. Lloyd, de M. Hofman, etc., nous renvoient au VIle. livre d’Hérodote, pour y apprendre des nouvelles du mausolée, ne consulteront pas bien les tables chronologiques : il faudrait qu’elles fussent bien mauvaises, si l’on y trouvait la mort de Mausole avant celle d’Hérodote.

(B) Elle mourut de regret et de tristesse. ] Nous avons, pour ce fait-là, plusieurs témoins d’importance, un Théopompe, un Cicéron, un Strabon. Les termes de Théopompe sont bien forts : Ἥν ϕησι Θεόπομπος ϕθινάδι νόσῳ ληϕθεῖσαν διὰ τὴν λύπην ἐπὶ τοῦ ἀνδρὸς καὶ ἀδελϕοῦ Μαυσώλου, ἀποθανεῖν. [6]. Quam Theopompus ait tabe correptam præ animi dolore, quem desiderio defuncti mariti et fratris conceperat, obiisse. Ceux de Cicéron ne le sont pas moins : Artemisia illa, dit-il [7], Mausoli Cariæ regis uxor, quæ nobile illud Halicarnassi fecit sepulcrum, quamdiù vixit, vixit in luctu, eodemque etiam confecta contabuit. Huic erat illa opinio quotidiè recens, quæ tùm deniquè non appellabatur recens cum vetustate exaruit. Il est presque indubitable que Cicéron a ignoré qu’Artémise ne survécut que deux ans à son mari, car, s’il l’avait su, il n’aurait pas employé des expressions qui signifient une très-longue tristesse. Mais voyons ce que dit Strabon : Φθίσει δ᾽ ἀποθανούσης διὰ πένθος τοῦ ἀνδρὸς [8], præ desiderio mariti tabe contabuit.

(C) On dit qu’Isocrate fit son panégyrique. ] J’ai cité deux bons garans [9], et je puis en ajouter un troisième, qui est de grand poids : c’est Théopompe. Il se vanta publiquement d’avoir remporté le prix sur Isocrate, son maître [10]. Mais je n’ignore point que Suidas, sans faire aucune mention d’Isocrate l’Athénien, parle d’un autre Isocrate, disciple et successeur de celui-là, et né ou à Héraclée ou à Apollonie, sur le Pont-Euxin. C’est celui-ci, selon Suidas, qui disputa le prix d’éloquence avec Théodecte, Théopompe et Érythrée [11]. Ce dernier était de Naucratis, en Égypte : il faut donc trouver une faute dans Aulu-Gelle, à l’endroit où nous lisons que Théopompe, Théodecte et Naucrites disputèrent ce prix-là [12]. Naucrites n’est point le nom propre de

  1. Plinius, lib. XXXVI, cap. V, pag. 280, et cap. VI, pag. 288.
  2. Chevreau, Hist. du monde, liv. VII, chap. III.
  3. Harduinus in Plinium, tom. V, pag. 280.
  4. Dion. Halicarnass., Epist. de Ætate et Scriptis Demosth.
  5. Valesii Notæ in Harpocrat. Lexicon., pag. 99.
  6. Apud Harpocrat.
  7. Cicer., Tusculan. III. Ce passage est mal cité dans le Valère Maxime Varioram : la dernière période en caractère romain est sans la particule non ; ce qui fait un galimatias impénétrable.
  8. Strabo, lib. XIV, pag. 452.
  9. Plutarchus, in Vitâ Isocrat. A. Gellius, lib. X, cap. XVIII.
  10. Voyez Eusèbe, Præparat. evangel., lib. X, cap. III, pag. 464.
  11. Suidas, in Ἰσοκράτης.
  12. Aulus Gellius, lib. X, cap. XVIII.