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ATTILA.

taient en posture de supplians. On dit même qu’il se piquait de garder inviolablement la foi à ceux qu’il avait une fois reçus en sa protection [a]. Il ne souffrait point les flatteurs outrés [b]. Le sentiment le plus ordinaire sur le genre de sa mort est que la nuit de ses noces un saignement de nez l’étouffa (D). Nous dirons ailleurs [c] de quelle manière il fut recherché par la sœur de Valentinien III. Sa Vie fut composée au XVe. siècle par un Italien réfugié en Pologne, nommé Callimachus Experiens. D’autres l’ont écrite depuis (E).

On a débité qu’il eut l’ambition d’établir sa langue, et de l’élever sur les ruines de la romaine (F).

  1. Maimbourg, Histoire de l’Arianisme. Voyez la remarque (E).
  2. Voyez l’article Marulle de Calabre.
  3. Dans l’article d’Honoria.

(A) Il n’accorda la paix à Théodose, qu’en le rendant son tributaire. ] Selon la maxime des fanfarons, qu’il faut donner aux choses un nom honorable, on n’appela point tribut, mais pension, ce qu’on s’obligeait de payer tous les ans à Attila. Voici les paroles d’un moderne : Il contraignit l’empereur Théodose le jeune de lui demander honteusement la paix, et il ne put même l’obtenir qu’à force d’argent, en lui payant sur-le-champ six mille livres d’or [* 1], et s’obligeant à lui en payer mille [* 2] tous les ans : de sorte que l’empire d’Orient, quelque recours qu’il eût au spécieux titre de pension, pour sauver son honneur, devint tributaire des Huns[1]. Ce même auteur conte qu’Attila, ayant vu dans le palais de Milan, un tableau qui représentait un empereur sur son trône, ayant à ses pieds des Scythes enchaînés, le fit ôter de là, et en mettre un autre en sa place, où il se fit peindre assis sur un trône environné d’empereurs chargés d’or et d’argent, qu’ils venaient répandre à ses pieds en une posture fort humiliée ; voulant faire entendre par-là, que comme il avait obligé Théodose sept ou huit ans auparavant à lui payer tribut, il contraindrait l’empereur Valentinien d’en faire autant pour sauver sa vie et les misérables restes de son empire[2].

(B) Il savait fort bien joindre la ruse à la force. ] C’est ce qu’on voit par le manège dont il se servit dans l’expédition des Gaules. Il chercha à désunir les Romains commandés par Aëtius, et les Visigoths dont Théodoric était roi. Pour cet effet, il fit dire à l’empereur Valentinien qu’il ne songeait point à faire aucun acte d’hostilité sur les sujets de l’empire ; qu’il ne voulait que châtier les Francs et les Visigoths, dont les premiers avaient eu l’audace de mettre le pied sur les terres de l’empire, et les derniers étaient les esclaves de lui Valentinien. Il fit dire en même temps à Théodoric, qu’il avait fait croire au roi des Vandales qu’il venait dans les Gaules contre les Visigoths, mais que ce n’était qu’un prétexte pour tromper l’empereur, que son véritable dessein était de partager l’empire entre les Huns et les Visigoths, et qu’il se jetterait sur l’Italie, si Théodoric voulait attaquer les Gaules[3]. Valentinien et Théodoric découvrirent aisément ce piége, et repoussèrent de concert ce conquérant artificieux. Homo subtilis, antequàm bella gereret, arte pugnabat, cæterà epistolas blandimentis oppleverat, studens fidem adhibere mendacio[4].

(C) La superstition était l’une de ses ruses. ] Il avait trouvé le moyen de remplir les esprits de ses soldats d’une créance superstitieuse, qu’il avait dans lui quelque chose de divin, à quoi son bonheur était attaché ; car, soit qu’il le crût, ou plutôt qu’il feignît d’en être persuadé, il leur fit accroire qu’il avait trouvé le coutelas de Mars, qu’on adorait parmi ces peuples, et que les des-

  1. (*) Six cent soixante dix-huit mille écus.
  2. (*) Cent douze mille cinq cents écus.
  1. Maimb., Hist. de l’Arian., tom. III, pag. 4 ; ex Paulo Diacono in Miscellan. lib. XV.
  2. Maimb., Histoire de saint Léon, liv. III, pag. 220 : il cite Suidas,
  3. Cordemoi, Hist. de France, tom. I, pag. 116, ex Jornande. Voyez aussi Maimbourg, Hist. de l’Arianisme, tom. III, pag. 9.
  4. Jornandes, de Rebus Goth.