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AUBIGNÉ.

tiation et la présence réelle sont des dogmes inconnus pendant tout ce temps-là. Dans la troisième, il fait l’histoire de l’introduction de ces doctrines[1]. » M. Claude avait déjà dit dans sa première Réponse, que M. Aubertin, après avoir traité à fond toutes les questions de l’Eucharistie par l’Écriture Sainte et par le raisonnement, et avoir remporté une belle victoire sur toutes les subtilités de l’école romaine, examine fort au long tous les passages des saints pères qui ont été jusqu’ici produits sur cette matière de part et d’autre, faisant voir par ce moyen à toute la terre le changement que l’église romaine a fait ; en faisant lui-même une perpétuelle comparaison de la créance ancienne et de la nouvelle ; à quoi il ajoute l’histoire de la naissance et des progrès de la transsubstantiation et de la présence réelle[2].

(F) Il fut exposé dans son agonie aux vexations du curé [* 1] de Saint-Sulpice. ] Il se présenta à la porte du malade, avec le bailli de Saint-Germain, à neuf heures du soir. La canaille, au nombre de quarante personnes, le suivait avec des armes. Celui qui frappa à la porte contrefit la voix du médecin afin qu’on ouvrît. Dès que la porte fut ouverte, toute la troupe se jeta impétueusement dans la maison, et se mit à dire que le malade souhaitait de faire son abjuration entre les mains d’un curé, mais qu’on l’en empêchait ; qu’on venait donc pour délivrer de cet esclavage sa conscience. Le fils aîné du ministre agonisant défendit autant qu’il put les montées ; mais enfin pour empêcher que cette canaille ne rompît les portes des chambres, on consentit que le curé et le bailli entrassent seuls à la chambre du malade. Les cris et les huées de leur escorte firent un peu revenir M. Aubertin de son assoupissement léthargique, si bien qu’il déclara fort distinctement sa persévérance dans la religion réformée. Le curé et le bailli sortirent, et eurent bien de la peine à faire retirer la canaille. Elle revint peu après, cria qu’on avait fait sortir par force le curé, et aurait enfoncé et pillé toute la maison, si deux notables n’eussent interposé leurs prières. Viciniam non latuit extrema hæc calamitas, quæ pii viri spirans adhuc spolium cujusvis illudere parati injuriæ exponebat. Lamentabili ista occasione infeliciter usus præfervidi sed tumultuosi zeli vir Joannes Jacobus Ollerius, basilicæ S. Sulpitii curatus, et sodalitatis quæ de propagandâ fide dicitur primipilus, etc.[3]. Peut-on songer à cela sans se souvenir de ce triste mot de Lucrèce ?

Tantum religio potuit suadere malorum !


Un zèle furieux de religion de quoi n’est-il point capable :

Tristius haud illo monstrum, nec sævior ulla
Pestis et ira deûm Stygiis sese extulit undis[4].


Il ne laisse pas même mourir les gens en repos. Après les avoir tourmentés pendant leur vie, il va leur tendre des piéges jusque dans les bras d’une maladie qui ôte l’usage de la raison. Il se prévaut des momens où l’âme est aussi malade que le corps, et où

Claudicat ingenium, delirat linguaque mensque[5].

  1. * Ce curé était J.-J. Olier Sulpicien dont le père Giry, minime, a composé la Vie, 1687, in-12. Le Maire, dans sa Défense de la foi catholique, fait une scène d’édification de ce dont Bayle fait une scène de scandale. Leclerc et Joly rapportent le texte de le Maire et adoptent son récit.
  1. Claude, Réponse au Livre de M. Arnauld, liv. I, chap. II, pag. 25.
  2. Claude, Réponse au IIe. Traité, chap. I.
  3. David Blondellus, Præfat. lib. Albertini de Eucharistiâ.
  4. Virgil., Æneid., lib. III, vs. 214.
  5. Lucret., lib. III, vs. 454.

AUBIGNÉ (d’) [* 1] (A) ..... ...... ...............

(A) ......] J’ai lu dans le Mercure Galant de janvier 1705[1], que Jean d’Aubigné fut favori et chancelier de Jeanne d’Albret, reine de Navarre et mère de Henri IV, et en grande faveur auprès de ce prince ; qu’il mourut à Genève, après l’avoir quitté ensuite de sa conversion ; qu’il était alors amiral de Bretagne, gouverneur d’Oléron et de Maillezais, et gentilhomme de

  1. * Il s’appelait Théodore Agrippa. Leclerc et Joly renvoient à la remarque (Q) de l’article Jeanne d’Albret, reine de Navarre. C’est à la remarque (R) qu’il est question d’Aubigné.
  1. Mercure Galant, janvier 1705, pages 233 et suiv.