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AUDEBERT.

M. Maimbourg renouvela cette accusation dans son Histoire du Calvinisme. On le réfuta très-solidement par l’examen de la pièce même, et on n’oublia point de fortifier l’apologie par le grand mérite d’Audebert [a]. Théodore de Bèze s’était déjà servi de cette raison (A). M. Graverol le ministre avait eu dessein de publier les épitaphes de cet illustre magistrat, dans une dissertation latine qu’il mit au jour en ce temps-là [b] ; mais il les reçut trop tard. Il me les a communiquées, et voici une occasion très-commode de les publier (B). On y verra l’histoire de notre Audebert toute telle qu’un dictionnaire historique la doit fournir. Le sieur Konig a coupé cet auteur en deux (C). Sainte-Marthe n’est pas le seul qui ait fait l’éloge de cet honnête homme (D).

  1. Jurieu, Apologie pour les Réformés, Ire. part., pag. 141 et suiv.
  2. Elle est intitulée, De Juvenilibus Theodori Bezæ Poëmatis, et imprimée à Amsterdam, en 1683, in-12.

(A) On fit servir son grand mérite à la justification de Bèze,.… qui s’était déja servi de cette raison. ] C’est dans sa IIe. Apologie contre Claude de Sainctes. Il dit que, lorsqu’il composa l’épigramme, Audebert était déjà avocat au parlement de Paris. Voici son latin. Quid quùm eousque proveheris ut meam cum honestissimo viro, et jam tum in Senatu Parisiensi advocato, quem vocant, nunc verò in civitate Aureliensi magnâ cum dignitate versanti, amicitiam et familiaritatem summam ad nefarium et execrandum illud scelus transferas, quod à nobis ne nominari quidem sine horrore potest, à vobis autem in vestris illis gurgustiolis, ut omnes nôrunt, pro ludo et joco ducitur, quis te ipsum vir honestus non execretur[1] ?

(B) Voici une occasion très-commode de publier les épitaphes d’Audebert. ] Pour ne point la laisser perdre, j’insérerai ici mot à mot ce que la personne que j’ai nommée m’écrivit et m’envoya.

Je vous prie d’agréer que je vous envoye un extrait fidèle des épitaphes de Germain Audebert et de son fils. Si je les eusse reçues dans le temps qu’on me les avait promises, je les aurais ajoutées à la petite apologie latine de Théodore de Bèze, qu’une occasion singulière m’obligea de donner au public. Une pièce si authentique me paraît seule capable de mettre fin à la calomnie atroce dont on a jusques ici chargé la mémoire de cet excellent serviteur de Dieu, par quelque évasion qu’on tâche d’en éluder la force, et vous rendrez un service signalé à la vérité, si vous donnez au public ce nouveau moyen de la défendre.

« Cy gist Messire Germain Audebert, natif de cette ville d’Orléans, prince des poëtes de son temps, qui pour sa seule vertu fut anobli lui et les siens naiz et à naistre parle très-chrestien roi de France et de Pologne Henri III, et fait chevalier. Et pour comble d’honneur, Sa Majesté lui donna deux fleurs de lys d’or pour mettre au chef de ses armes, pour la décoration d’icelles. Nostre saint Père le pape Grégoire XIII, et le duc et seigneurie de Venise, le firent pareillement chevalier, et ceux-ci lui envoyèrent par leur ambassadeur l’ordre de Saint-Marc jusques en France. Et nonobstant ces grands honneurs, il s’est tousjours plu à exercer l’estat d’élu dans cette élection l’espace de 50 ans, tant il estoit amateur de sa patrie. Ce que considérant Sadite Majesté, ayant créé et érigé un président et un lieutenant en chaque élection de France, exempta ledit Messire Germain Audebert, et voulut qu’il présidast et précédast l’un et l’autre. Il a escrit trois livres de Venise, un de Rome, un de Naples, deux de Sylves, trépassa l’an 1598, le 24 de décembre, âgé de quatre-vingts ans ou environ.

« Et sous le mesme marbre gist Messire Nicolas Audebert, conseiller du roi en sa cour de parlement de Bretagne, fils dudit Messire Germain Audebert, grand imitateur des vertus

  1. Beza, Operum tom. II, pag. 360.