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AURÉOLUS.

les appeler. Il vaut mieux demeurer malade que de guérir par un remède d’une cherté si terrible. Quoi qu’il en soit, nous avons ici un docteur qui se piqua de m’être de l’avis de personne dans son Commentaire sur le Maître des Sentences ; mais, d’autre côté, il fut seul de son avis ; chacun se piqua de le combattre : on l’a comparé à Ismaël. Quem (Petrum Aureolum) Antoninus ait [* 1] ità scripsisse in librum Sententiarum, ut quia manus ejus contra omnes qui jam scripserant, etiam manus omnium contrà eum fuerint [1].

(C) On prétend qu’il a soutenu l’impossibilité de la création. [* 2] ] Les lumières que j’ai là-dessus sont très-petites, car je puis seulement vous assurer que Théophile Raynaud, après avoir rejeté comme très-faibles les raisons d’Averroës, ajoute que les argumens où Auréolus a mal employé son esprit pour montrer que la création est impossible, se réduisent à la même chose. Eodem recidunt argumenta quibus Aureolus apud Capreolum in 2. d. 1. q. 2. in argumentis contra quartam, parùm feliciter ingenium exercuit, ut probaret creationem esse impossibilem [2]. Remarquez bien qu’il n’a point lu Auréolus, et qu’il n’en connaît la doctrine qu’autant qu’elle a été rapportée par son adversaire Capréolus. Cela m’impose une nouvelle nécessité de ne marcher ici qu’à tâtons ; mais cependant je ne crois pas me tromper dans la conjecture que je vais faire. Je suppose qu’Auréolus n’a point nié simplement et absolument que la création fût possible, car c’eût été avancer une opinion très-opposée à la foi romaine. Il a seulement soutenu que pour telles et telles raisons, il trouverait impossible qu’un être fût fait de rien, si la foi ne lui apprenait que l’on doit prendre dans un sens de création proprement dite les paroles dont l’Écriture se sert touchant la première formation du monde. S’étant une fois couvert de ce bouclier, il a pu impunément se servir de toutes les forces de son génie pour prouver l’impossibilité de la création : il ne risquait qu’une dispute philosophique, où il ne craignait pas que les chicanes et les détours du métier l’abandonnassent. Je suis sûr que ceux qui auront dans leur cabinet un exemplaire de Capréolus, en lisant ceci, seront curieux de le consulter, afin de s’instruire si ce grand antagoniste d’Auréolus expose fidèlement tout l’état de la question. Il y a bien des gens qui, dans une telle conjoncture, se contenteraient de représenter qu’ils réfutent un docteur qui a soutenu que la création est impossible, et d’exagérer les pernicieuses conséquences de ce dogme, sans avertir que ce docteur met en sûreté les intérêts de l’orthodoxie, et soumet à l’autorité de la tradition les argumens les plus subtils que la lumière lui présente. Je sais qu’Auréolus, dans un autre cas, s’est gouverné de la manière que je suppose qu’il a suivie à l’égard de la création, et cela me rend plus probable ma conjecture. Il a dit qu’il n’y avait que l’autorité des saints, qui lui fît croire que la transsubstantiation est un véritable changement de tout le pain en tout le corps de Notre Seigneur. J’ai lu cela dans un ouvrage de M. Allix. Petrus Aureolus, romanæ ecclesiæ cardinalis, hoc profitetur : propter solas auctoritates sanctorum teneo, quòd transsubstantiatio est verus transitus et conversio totius panis in totum corpus Domini. in 4. dist. 11, q. 1. a. 2. [3].

(D) Les dominicains le firent réfuter...[* 3] par l’une de leurs meilleures plumes. ] Ce fut par le même Capréolus dont je viens de faire mention. Consultez son commentaire sur le Maître des Sentences. Il y poursuit vivement, il y secoue de toute sa force le commentaire d’Auréolus sur le même Maître. Quæ (commentaria Aureoli) in suis in easdem sententius commentariis sæpiùs excussit exagitavitque Joannes Capreolus [4]. Il insinue que les fausses interprétations qu’Auréo-

  1. (*) Ant., tit. XXIV, cap. VIII, parag. 2.
  2. * Capreolus, son adversaire, lui impute uniquement, dit Leclerc, d’avoir dit au sujet de la création : Conclusiones quæ innituntur rationi naturali non valent.
  3. * Cette commission est purement imaginaire comme celle d’Almain, dit Leclerc. Voyez tom. Ier., page 458, colonne I.
  1. Spondanus, ad ann. 1337, num. X, pag. 460.
  2. Theoph. Raynaud., in Theolog. Naturali, dist. VIII, num. 334, pag. 1039.
  3. Petrus Allix, Præf. historica de Dogmate Transsubstantiationis, pag. 66.
  4. Labbe, de Script. ecclesiast., tom. II, pag. 184.