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ANAXANDRIDE.

cipalement à l’homme la plus sublime des sciences ; mais il nie ce que les poëtes affirmaient de la prétendue envie des dieux. Ses paroles sont très-remarquables : Εἰ δὲ λέγουσί τι οἱ ποιηταὶ, καὶ πέϕυκε ϕθονεῖν τὸ θεῖον, ἐπὶ τούτου συμϐῆναι μάλιςα εἰκὸς, καὶ δυςυχεῖς εἷναι πάντας τοὺς περιττούς. ἀλλ οὔτε τὸ θεῖον ϕθονερὸν ἐνδέχεται εἷναι, ἀλλὰ κατὰ τὴν παροιμίαν πολλὰ ψεύδονται ἀοιδοί [1]. Quòd si aliquid poëtæ dicunt, et in naturam divinam cadit invidia, verisimile est hâc in re id maximè accidere et infelices esse eos omnes qui altiora se quærunt [2]. Sed neque Divinitas invida esse potest, multaque, ut est in proverbio, mentiuntur poëtæ.

(T) Servius et Sidonius Apollinaris ont ignoré les opinions d’Anaxagoras. ] Le premier assure qu’il donnait le feu pour le principe de toutes choses [3] : c’est le confondre avec Héraclite. L’autre prétend que, comme Thalès, il établit l’eau pour le principe de tous les corps, et qu’il joignit à ce principe un entendement. C’est lui ôter la doctrine des homœoméries. Elle n’était pas inconnue à Sidonius Apollinaris ; mais il la donne sans raison au philosophe Anaximander. Il lui donne aussi la πανσπερμία, c’est-à-dire, que les semences de toutes choses étaient partout : doctrine qui appartenait au philosophe Anaxagoras. Elle appartenait aussi à Démocrite, comme Aristote l’a observé au chapitre IV du IIIe, livre de sa Physique :

........ Sed rebus inutile ponit [4]
Principium, dùm credit aquis subsistere mundum.
Hujus discipuli versa est sententia, dicens,
Principus propriis semper res quasque creari,
Singula qui quosdam fontes decrevit habere
Æternùm irriguos, ac rerum semine plenos.
Hunc etiam sequitur, qui gignere cuncta putabat
Hunc aërem, pariterque Deos sic autumat ortos.
Quartus Anaxagoras Thaletica dogmata servat :
Sed divinum animum sertit, qui fecerit orbem [5].


Le docte Savaron n’a pas remarqué ces bévues dans ses notes sur ce poëme de Sidonius Apollinaris.

  1. Aristoteles, Metaphys., lib. I, cap. II, pag. 644, E.
  2. C’est ainsi que Bessarion traduit περιττούς. Argyropyle traduit, qui hæc superflua quærunt. Voyez Fonseca sur cet endroit d’Aristote, pag. 130.
  3. Servius in Virgil. Eclog. VI, vs. 31.
  4. C’est-à-dire, Thalès.
  5. Sidon. Apollin. Carm. XV, vs. 81, pag. 151, 152.

ANAXANDRIDE, roi de Lacédémone, fils de Léon, est le seul homme de son pays qui ait eu deux femmes à la fois [a]. Ce ne fut pas tant sa faute, que celle des éphores, qui voulurent l’obliger à répudier sa femme, à cause qu’elle était stérile, et à se marier à une autre, qui lui donnât des enfans. Comme il aimait fort sa femme [b], il protesta qu’il ne la répudierait point. Les éphores, le voyant ferme là-dessus, lui proposèrent d’épouser une autre femme, sans répudier la première, et le firent entendre que, s’il ne prenait pas ce parti, il pourrait s’en trouver mal. Il accepta cette seconde proposition ; mais il ne voulut pas loger les deux femmes sous un même toit : il voulut avoir deux logis. La nouvelle épouse accoucha bientôt de Cléomenes : cette bonne fortune d’Anaxandride se répandit jusqu’à sa première femme ; elle devint grosse aussi. Les domestiques [* 1] de l’autre reine, fâchés de cela, répandirent cent médisances, et soutinrent que ce n’était qu’une femme, et qu’on ne cherchait qu’à tromper le monde par la supposition d’un enfant. Cette médisance fit tant d’impression sur les éphores, que, lorsque le terme d’accoucher approcha,

  1. * Joly, d’après les Jugemens sur quelques ouvrages nouveaux, dit que celle expression de domestiques est une traduction impropre du grec ou du latin, et qu’il fallait dire les parens.
  1. Pausan., lib. III, pag. 84.
  2. Elle était fille de La sœur d’Anaxandride.