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ANDRÉ.

que ce ne fut point à Castello à qui ceci avint ; mais à Jean André, homme de petite taille et fort laid[1] [* 1].

  1. * Leclerc et Joly, sans citer aucune autorité, affirment au contraire que cela arriva à Castello et non à André.
  1. Panzir., de clar. Leg. Interp., lib. III, cap. XIX.

ANDRÉ (Jean), auteur d’un livre intitulé Confusion de la secte de Mahumed, était né mahométan, à Xativa, au royaume de Valence, et il avait succédé à son père dans la dignité d’alfaqui de la même ville. Il fut éclairé de la connaissance de Jésus-Christ, en assistant à un sermon, dans la grande église de Valence, le jour de l’Assomption de la Sainte Vierge, l’an 1487 [a]. Il demanda le baptême, et se souvenant de la vocation de saint Jean et de saint André, il obtint qu’on le nommerait Jean André. « Ayant reçu les ordres sacrez, dit-il [b], et d’alfaqui, et esclave de Lucifer, fait prêtre et ministre de Christ, je commence, comme saint-Paul, à prescher et publier le contraire de ce que j’avoye auparavant faulsement creu et affirmé, et avec l’ayde du Seigneur très-hault je converty premièrement en ce règne et guidé à la fin du salut plusieurs âmes d’infidèles Mores, qui s’en alloyent perdre en Enfer sous le pouvoir de Lucifer. De là, je fus appelé par les plus catholiques princes le roy don Fernand et la royne donne Ysabelle, afin que j’allasse prescher en Grenade aux Mores de ce royaume, que leurs altesses avoient conquis. Donc par ma prédication et volonté de Dieu (qui le vouloit ainsi) une tourbe infinie de Mores, reniant Muhamed, se convertit à Christ : et peu après je fu créé chanoine par leur benignité, et fu une autre fois appellé par la très-chrestienne royne donne Isabelle, afin que je n’en vinsse en Arragon, pour m’employer en la conversion des Mores de ces règnes, lesquels au grand mespris et deshonneur du Sauveur crucifié, et au dan et péril des princes chrestiens, persévèrent jusques aujourd’huy en leur erreur ; mais cette très-saincte intention de son altesse, pour la mort qui la prévint, ne put sortir son effect. » Il ajoute que, pour ne demeurer oisif, il se mit à traduire d’arabe en langue arragonoise toute la loi des Mores, c’est-à-dire, l’Alcoran et ses gloses, et les sept livres de la Suné. Il le fit par le commandement de Martin Garcia, évêque de Barcelone, et inquisiteur d’Arragon [c]. Ayant achevé cette entreprise, il fit l’ouvrage, dont j’ai parlé au commencement (A), et qui a été trouvé assez bon (B).

  1. Le prédicateur se nommait Marques Adesora.
  2. Jean André, Pourparler, ou Préface de sa Confusion de la secte de Mahumed, folio 3, verso.
  3. Tiré de la même préface.

(A) L’ouvrage dont j’ai parlé au commencement. ] J’entends le livre qu’il intitula Confusion de la Secte de Mahumed. Il contient XII chapitres. L’auteur y a recueilli les fabuleuses fictions, mocqueries, tromperies, bestialitez, folies, vilenies, inconveniens, impossibilitez, bourdes et contradictions de pas à pas, lesquels le pervers et meschant Mahumed, pour