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BAUDOUIN.

Il n’a pas été collègue de Cujas, comme quelques-uns l’assurent (L). Je dirai quelque chose de ses écrits, et du plagiat dont on l’accusa (M). Notez que Théodore de Bèze raconte qu’il mourut, ou à la poursuite d’un procès, ou de chagrin de ce qu’un autre lui avait été préféré pour suivre en Pologne le duc d’Anjou[a]. Il y aurait bien des réflexions à faire sur la bizarrerie de sa fortune (N).

  1. Beza, in Vitâ Calv. ad ann. 1561, pag. 381.

(A) La curiosité de connaître les plus célèbres ministres le fit voyager en Allemagne. ] Voilà toute la faute que les catholiques romains aient pu lui reprocher, si l’on s’en rapporte à son élogiste Papyre Masson. J’ai cherché diligemment dans cet écrivain si Baudouin abandonna quelquefois la profession extérieure de l’église romaine ; et je n’ai rien pu trouver qui me l’ait persuadé : car qu’il ait fait connaissance avec Calvin et avec Bucer, pour entendre d’eux les causes de leur séparation, ce n’est pas un signe qu’il ait été protestant. C’est une simple curiosité, c’est tout au plus une espèce de défiance qui ne signifie rien, à moins qu’on ajoute qu’ayant ouï les raisons de ces gens-là, il les reconnut pour si bonnes, qu’il prit leur parti. Or, bien loin que Masson le fasse, il dit au contraire que Baudouin désapprouva leurs raisons. In Germaniam profectus à defensoribus novæ sectæ intelligere voluit quas ob causas à romanâ et veteri ecclesiâ discessissent... quorum opiniones non probans, Bucerum tamen et Melancthonem aiebat sibi ob modestiam placuisse : Calvinum displicuisse propter nimiam vindictæ et sanguinis sitim quam in eo deprehendisset[1]. Je ne nie pas qu’il ne dise qu’il y avait eu autrefois de la familiarité entre Calvin et Baudouin[2]. Mais, en conscience, cela signifie-t-il que ce dernier avait été huguenot ? Le lecteur ne peut-il pas s’imaginer qu’ils s’étaient connus au collége, avant que Calvin se fût érigé en chef de parti ? La chronologie ne le souffre pas, me direz-vous ; et moi je vous répondrai que vous êtes très-blâmable, si vous ne voulez être entendu que de ceux qui savent l’année natale de plusieurs personnes, et qui voudront prendre la peine de tirer des raisonnemens. Votre devoir est de marquer en termes si clairs l’abjuration de Baudouin, que tout lecteur la puisse connaître par votre seul livre, sans avoir besoin de réminiscence, ni de réflexion. Je passe plus avant, et je soutiens que ceux-mêmes qui se souviendraient que Calvin fut chef de secte avant que Baudouin sortît des classes, ne trouveraient point d’abjuration dans le familiaris quondam sui ; car, en expliquant cela par l’autre passage de Papyre Masson, ils se fixeraient à cette pensée : Baudouin, ayant fait connaître à Calvin qu’il cherchait sincèrement la vérité, eut avec lui plusieurs conférences dans lesquelles son esprit, sa docilité et son adresse, charmèrent tellement Calvin, qu’il gagna les bonnes grâces de cet hérétique, avant même qu’il eût pleinement acquiescé à l’instruction. Leur commerce dura longtemps ; car deux années ne sont pas trop longues pour satisfaire aux difficultés que Baudouin pouvait proposer. Calvin, qui espérait de le gagner, et qui le souhaitait passionnément, lui fit cent caresses, et cent ouvertures de cœur. Enfin cette proie lui échappa : Baudouin, n’ayant pas trouvé que l’on satisfît solidement à toutes ses objections, ne voulut point embrasser la nouvelle église. Voilà le sens qu’on pourrait donner aux termes de Papyre Masson. Il a donc eu tort de s’exprimer d‘une manière si trompeuse.

M. Moréri est encore plus blâmable ; car il ne peut point se justifier par les priviléges de l’éloge. Il déclare par le titre de son livre, qu’il soutient le caractère d’historien : il n’a donc point pu se permettre toutes les fraudes que Masson a pu couler sous le titre favorable d’Elogium Francisci Balduini. Masson pouvait dire « Ayant

  1. Papyr. Masso, Elogior. parte II, pag. 156, 157.
  2. Familiaris quondam sui. Idem, ibidem, pag. 26.