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BAUDOUIN.

une conduite si opposée à la bonne foi, à la raison, à la justice, et plus encore à la morale sévère de Jésus-Christ, ne pourrait jamais passer que pour un zèle très-aveugle. Je passe sous silence l’inconvénient de cette conduite. Il est aisé de défendre votre cause, pourraient dire bien des gens, puisque vous reconnaissez qu’elle est si mal attaquée : vos triomphes ne sont pas un signe que vous combattez pour la vérité.

Il faut que je fasse encore une observation. Sainte-Aldegonde ne donna point tous les avis nécessaires : il en oublia un qui était très-important ; il n’avertit pas qu’il fallait répondre à la troisième apologie de François Baudouin. Je sais bien que sur les matières de droit il ne faut point se piquer de ne laisser sans répartie aucun ouvrage de ses adversaires : on peut dès la seconde réplique mettre les choses dans le plus beau jour qui leur puisse être donné ; et l’on peut après cela se promettre que les lecteurs intelligens ne trouveront point mauvais qu’on ne rentre plus en lice. Mais dans les matières de fait, où il s’agit d’accusations personnelles et diffamantes, il ne faut jamais que l’agresseur soit le premier à se taire ; car s’il ne réplique point aux apologies de l’accusé, c’est un signe qu’il manque de preuves, et qu’on le contraint de s’arrêter dès qu’on lui oppose une simple négative. La troisième réponse de Baudouin est toute pleine de démentis et de récriminations, et contient même des faits à la décharge de l’accusé. Il ne fallait donc point que Théodore de Bèze la laissât sans répartie : il fallait donc l’avertir que la première réponse devait être soutenue d’un nouvel écrit justificatif du précédent. Dans les querelles de cette nature, qui quitte la partie la perd : le demandeur et le défendeur sont obligés de répondre à toutes les nouvelles raisons qu’on leur oppose, fallût-il pousser jusques au vingtième factum. Prenez garde à l’épithète de nouvelles, dont je me sers ; car si l’accusateur, par exemple, multipliait sans fin et sans cesse les écritures, ou par lui-même, ou par ses amis, répétant les mêmes choses avec quelque petit changement de forme, et ne répondant jamais ni aux faits ni aux raisons de l’accusé, celui-ci pourrait garder un profond silence : sa première apologie pourrait lui suffire, jusqu’à ce que parmi la multitude des factums que son adversaire ferait éclore, il s’en trouvât un qui alléguât quelque chose de nouveau.

(K) Il n’y a point d’hyperbole dans ce qu’on a dit de son auditoire. ] On y voyait des évêques, et des conseillers, et des gens d’épée. Sainte-Marthe l’assure comme l’ayant vu. Homo, dit-il[1], facundissimus, ipsoque oris ac totius corporis habitu non injucundus, ex historiarum et civilis disciplinæ conjunctione, suis prælectionibus gratiam et venerem afferebat. Ac eum quidem sæpè vidimus hoc splendido summæ doctrinæ apparatu, Lutetiæ profitentem, cùm ad ejus auditorium, permulti primæ notæ homines, episcopi, senatores, equites, libenter et maximâ frequentiâ confluerent.

(L) Il n’a pas été collègue de Cujas, comme quelques-uns l’assurent. ] Bèze est de ceux-là. « Il vous est honteux, lui dit-il[2], de reprocher à Calvin un naturel incompatible avec les autres, naturam ἀκοινωνητὸν ; vous, qui vous êtes rendu insupportable à tous vos collègues partout où vous avez mis le pied. Si vous le niez, Duaren, le Conte, Cujas, Hotman, etc., vous convaincront du contraire. » Baudouin répondit que Cujas avait été son successeur à Bourges, mais non pas son collègue, et qu’ils ne s’étaient jamais vus. Cujacius Balduino in eâ scholâ successit : collega nunquàm fuit, imò alter alterum nunquàm vidit. Per litteras aliquando collocuti sunt, sed tam amicè ut nihil magis. Imò Cujacius Balduinum rogavit in illud suum collegium ut rediret. Si nobis non credit, Cujacium interrogato[3].

(M) Je dirai quelque chose de ses écrits et du plagiat dont on l’accusa. ] Courant sa vingt-troisième année, il mit son nom dans la matricule des auteurs imprimés ; car il publia à Louvain, en 1542, Leges de re rusticâ, item novella Constitutio prima de Hæredibus et lege Falcidiâ Justiniani, qu’il avait traduites du grec, et ac-

  1. Sammarthanus, Elogior. lib. II, pag. 86, edit. Ienens., ann. 1696. Voyez aussi Papyre Masson, Elogior. part. II, pag. 259.
  2. Beza, Respons. ad Balduin., pag. 208.
  3. Respons. pro Balduino III, folio 85.