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BODIN.

devait pas être appelé rébellion mais révolution [a] : et il fit imprimer en ce temps-là une lettre sur ce sujet [b]...... Il mourut de peste [* 1], à Laon en 1596...... dans sa soixante-septième année (M), et fut enterré aux Cordeliers de la même ville, comme il l’avait ordonné par son testament [c]. Il avait été carme dans sa jeunesse, Si l’on en croit M. de Thou ; mais M. Baudri, avocat au grand conseil, et petit-neveu de Bodin, a dit plusieurs fois affirmativement à M. Ménage, que M. de Thou avait été mal informé de cette particularité [d]. Il me semble qu’il y a autant d’hyperbole, dans les louanges que Gabriel Naudé à données à Bodin, que d’injustice dans le mépris que Cujas, Scaliger et quelques autres lui ont témoigné (N). Possevin n’est pas le seul qui l’accuse d’avoir écrit bien des choses qui sont contraires à la religion (O) ; et il y eut des gens qui le soupçonnèrent de magie [e], et qui assurèrent qu’il était mort juif [f]. Notez qu’il se déclara assez librement contre ceux qui soutenaient que l’autorité des monarques est illimitée (P) ; mais il ne laissa pas de déplaire aux esprits républicains. Je crois que ce fut, entre autres raisons, parce qu’il soutint d’un côté, qu’il y avait dans l’Europe quelques monarques absolus, et de l’autre, qu’il n’appartient à pas un des sujets en particulier, ni à tous en général, d’attenter à l’honneur ni à la vie de tels monarques, soit par voie de fait, soit par voie de justice, quand même ils auraient commis toutes les méchancetés, impiétés et cruautés qu’on pourrait dire [g]. Ce sentiment ne paraît pas bien lié avec le dogme qu’il avait aussi soutenu, que la puissance de ces monarques a des bornes, et qu’ils sont obligés de régner selon les lois : mais après tout, on peut connaître dans lune et dans l’autre de ces doctrines, qu’il avait à cœur le bien public, la paix et la tranquillité de l’état (Q). Les Allemands se plaignent beaucoup de lui, et le maltraitent. Voyez sur cela plusieurs passages dans les recueils de Magirus [h], et dans ceux de Pope Blount [i]. Consultez aussi la Harangue de Thomas Lansius contre la France [j]. Il y a néanmoins des Allemands qui lui attribuent un esprit et un jugement sublimes, et une très-grande érudition. Voyez les mêmes recueils. Les Italiens se sont aussi appliqués à le critiquer. Nous en avons des

  1. * Sur cette circonstance, Joly rapporte un passage tronqué par lui, d’un Borboniana alors manuscrit, et qui a depuis été imprimé dans le tome II des Mémoires historiques, critiques et littéraires de feu M. Bruys, 1751, deux volumes in-12. Voici ce qu’on lit à la pag. 258 : « J. Bodin mourut de la peste, à Laon en 1596, assez vieux. et ne dit pas un mot de Jésus-Christ. Il avait écrit et croyait que ceux qui avaient passé soixante ans ne pouvaient plus mourir de la peste. Cette opinion est bien fausse. »
  1. Ménage, Remarques sur la Vie de P. Ayrault, pag. 147.
  2. Datée de Laon, du 29 de janvier 1590. Là même.
  3. Là même, pag. 148.
  4. Là même, pag 141.
  5. Voyez la remarque (O), à la fin.
  6. Voyez ci-dessous la citation (66).
  7. Bodin, de la République, liv. II, chap. V, pag. 302.
  8. Tobias Magirus, Eponymol., pag. 137 et seqq.
  9. Pope Blount, Cens. auctor., pag. 524 et seq.
  10. Pag. 301, 302.