Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T03.djvu/526

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
520
BODIN.

gumento esse potest validissimo certè manifestissimoque [1]. L’auteur du livre de Justâ reip. Christianæ in reges impios et hæreticos auctoritate accuse Bodin d’indifférence sur le chapitre de la religion, et de n’être pas contraire aux protestans. Unius vire indifferentis, et protestantibus non iniqui, testimonio comparationem hanc transigam [2]. Le jésuite Martin del Rio soutient que la Démonomanie de Bodin est pleine d’erreurs, et que dans l’édition même d’Anvers, que l’on donna comme corrigée, il reste beaucoup de choses dangereuses, et qui marquent la religion amphibie de l’auteur. Manent multa noxia, et quæ ambiguam auctoris fidem satis contestantur, nocereque legentibus possunt [3]. C’est pourquoi, ajoute-t-il, cet ouvrage-là a été justement mis par l’inquisition de Rome dans le catalogue des livres défendus. Il promet de faire voir que le Theatrum universæ Naturæ du même auteur contient des dogmes si contraires à la théologie, que, pour le moins, on peut les qualifier erronés et entièrement téméraires. Notons que l’ouvrage de la République eut le même sort à Rome que celui de la Démonomanie, quoique l’on eût inséré dans la traduction italienne certaines choses que des amis officieux jugèrent capables de conserver à Bodin la réputation de bon catholique [4]. Sa Méthode de l’Histoire, et son Théâtre de la Nature n’eurent pas un meilleur sort auprès des inquisiteurs. Voici quelque chose de terrible : Ceux qui montent en chaire ici font des contes, déclament contre Bodin tout un sermon, et le déchirent, sans se souvenir que le vilain a été de la ligue, et est mort juif, sans parler de Jésus-Christ par les dernières paroles que j’ai en vers de lui [5]. Voilà ce qu’on trouve dans une lettre de Jacques Gillot à Scaliger, datée de Paris le 9 de février 1607. Ce que M. Diecman a trouvé dans un manuscrit, et qu’il a inséré dans son ouvrage de Naturalismo, est encore plus terrible. Naudæus in ἀποσπασματίῳ Gallico ex MScto laudati Patini mecum benevolè à Viro Nob. communicato, de hoc opere, « C’est un livre bien fait, inquit, mais fort dangereux, parce qu’il se moque de toutes les religions, et enfin conclut qu’il n’y en a point. Aussi n’en avait-il point lui-même : il mourut comme un chien, sine ullo sensu pietatis, n’étant ni juif, ni chrétien, ni turc. Alius ἀδέσποτος itidem in MSC. Patini : Bodin était un étrange compagnon en fait de religion. Il mourut de la peste, à Laon, en 1596, assez vieil, et ne dit pas un mot de Jésus-Christ [6]. » Je ne sais si ceux qui prêchaient contre Bodin dans les chaires de Paris, l’an 1697, avaient ouï dire quelque chose des dispositions qu’il témoigna en mourant, ou des doctrines pernicieuses de l’Heptaplomères. Scaliger ne pouvait comprendre d’où venait leur déchaînement. Illud velim ex te scire, écrivait-il à Charles Labbé, vers la fin du mois de février 1607, quare pontificii tam acerbè quotidiè in Bodinum declament. Certè quod mancipium : ambitionis fuerit, proptéreà odio illis esse eum non crediderim. Aliam subesse causam necesse est, quam ex te scire velim. Hujus igitur tam inoptinati odii causam, et quare hominem pridem mortuum canes ex tumulo eruant, neque ejus manes quiescere sinant, à vobis expecto [7]. Il ne faut pas oublier qu’aussitôt que la République de Bodin eut paru, il y eut des prédicateurs qui déclamèrent contre lui. Lisez sa lettre latine du 13 de mars 1581. au commencement de l’Apologie de René Herpin. Vous verrez qu’il y remarque deux choses : l’une, que de Serres, qui avait publié contre lui un million d’injures, en avait été châtié sévèrement ; l’autre, qu’encore que ceux qui medisent de quelqu’un en chaire soient aussi coupables que ceux qui l’offensent par écrit, il y a néanmoins des prédicateurs qui ternissent impunément sa réputation et celle de plusieurs autres gens de

  1. Naudæus, Bibliogr. Polit., pag. 33.
  2. G. Guillelmus Rossæus, de justâ Reip. Auctorit., cap. IV, num. 3, pag. 194, edit. Antverp., ann. 1592.
  3. Del Rio, Disq. magic., lib. I, cap. III, pag. 23.
  4. Loscher, de Latrocinio in Script. publ., pag. 41, apud Diecmannum, de Naturalismo, pag. 4.
  5. Épîtres françaises écrites à Scaliger, pag. 439.
  6. Diecmannus, de Naturalismo, pag. 12.
  7. Voyez la Gallia Orientalis de Colomiés, pag. 86.