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BONGARS.

amant accompagnée de son père. On était convenu de se marier à Bâle. Elle se rendit à Mombéliard au cœur de l’hiver, et à travers mille périls, et ayant su que Bongars ne pourrait lui venir au-devant qu’au bout de huit jours, elle l’alla trouver jusqu’à Strasbourg. Ce fut là qu’on résolut de faire les noces : mais la pauvre demoiselle tomba malade au bout de huit jours, et mourut le quatrième jour de sa maladie. Bongars en fut extrêmement affligé, comme il paraît par ses lettres. J’ai tiré ces particularités de la lettre qu’il écrivit à Jean-Guillaume Stuckius, le 8 de février 1597 : elle est à la page 7 de l’édition de Strasbourg en 1660, et à la page 66 de l’édition de la Haye en 1695. Cette édition de Strasbourg ne contient qu’une petite partie des lettres de Jacques Bongars : mais on y a joint celles que Lingelsheim lui avait écrites, que j’aurais trouvées meilleures que je n’ai fait, si elles n’avaient pas été tronquées d’un grand nombre de noms propres. Ces mutilations empêchent qu’on ne connaisse de quelles sortes d’affaires Lingelsheim entretenait son ami en ces endroits-là, et font croire que ces endroits étaient curieux. Je ne crois point que M. Morhof ait rien compris dans l’avertissement au lecteur, qui est à la tête des Lettres de Bongars et de Lingelsheim [1].

(R) Sa réponse, touchant l’expédition de 1583, a été louée par M. de Thou. ] Voici les paroles de ce grand historien : Donavius anno insequenti… librum germanicâ linguâ edit, quo facti invidiam omnem à se amoliebatur, eamque in Navarri tarditatem, Bullionii imperitiam, et Gallorum ducum imprudentiam, sive in distribuendis mansionibus malignitatem, quæ Germanis tumultuandi occasionem dedisset, retorquebat ; idque captato tempore fecerut Donavius, cùm francofurtensis propediem nundinæ exituræ essent, ne ad scriptune responderi posset, intereà volitare illud per manus Germanorum, et nomine contradicente imponeret ea mentibus, quæ haud facilè posteà eximi possent. Verùm astu cognito Jacob. Bongarsius juvenis ingenio et eruditione præstans, et gallici decoris perquàm studiosus, qui Navarri res istic procurabat, scripti exemplo ab amicis accepto, extemporaneo, sed aculeato scripto contrario, quod et eâdem festinatione typis mandari curavit, antequàm nundinæ exirent, respondit, et omnem rei malè gestæ culpa primùm..…rejicit…. deindè in, etc. [2]. Notez que ces paroles ne se trouvent point dans les éditions de M. de Thou ; mais elles étaient dans son manuscrit. Voyez le Thuanus restitutus.

(L) Il eut le courage d’afficher dans Rome une réponse qu’il fit à une bulle de Sixte V. Je n’ai lu cela que dans M. Varillas, dont je rapporterai les paroles. ] Ayant raconté la procédure violente de Sixte V contre le roi de Navarre, et contre le prince de Condé, il ajoute que la bulle de ce pape demeura long-temps affichée au Champ de Flore, et jusqu’à ce que Jacques Bongars, calviniste, bourgeois d’Orléans, qui se trouvait alors à Rome, quoiqu’il n’eût que dix-sept ans, se proposa de venger l’honneur de la France, noirci dans les deux premiers princes du sang, et s’en acquitta d’une manière si intrépide, qu’elle mérite d’avoir place dans l’histoire [3]...... Comme il était déjà fort savant, il composa une réponse tout-à-fait forte et satirique à la bulle du pape. Il la transcrivit lui-même en forme de placard : il choisit une nuit tout-à-fait obscure, et il afficha ce placard auprès de la bulle dans le Champ de Flore. Il fut si heureux, que non-seulement on ne l’aperçut point, mais encore on ne se douta point que c’eût été lui ; et on l’ignorerait encore, s’il ne s’en était depuis expliqué, et s’il n’en eût donné des preuves convaincantes. Il appelait au nom des deux princes de la bulle de Sixte-Quint, qui se disait pape de Rome, à la cour des pairs de France : il donnait un démenti à sa sainteté, sur le crime d’hérésie dont elle les accusait, et il offrait de leur part de prouver dans un concile légitimement assemblé, que le pape était lui-même hérétique. Il le traitait d’Antechrist, s’il ne s’y soumettait, et il lui déclarait en leur nom une guerre perpétuelle et irréconciliable. Il protestait que l’on vengerait sur la cour de Rome le tort qu’on venait de

  1. Voyez l’art. Lingelsheim, remarque (B).
  2. Thuanus restitutus, pag. 70, 71.
  3. Varillas, Histoire de Henri III, liv. IX, à l’an 1585, pag. 19, édit. de Hollande.