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BABELOT.

quand le hasard ou la faiblesse les jetaient entre ses mains, mit pour quelques semaines la mauvaise guerre [a] entre les deux parts. Les soldats de Brissac égorgèrent la garnison de Mirebeau, quoiqu’elle eût capitulé dans les formes ; et d’Andelot traita de même celle de Saint-Florent. » Voilà un homme bien destiné à faire mourir les huguenots, puisque même après sa mort il fut cause qu’on en égorgea beaucoup. Brantôme le croyait capable d’une autre sorte de crimes, c’est-à-dire d’inspirer à son maître la brutalité de faire violer les femmes (C).

  1. C’est-à-dire, qu’il n’y eut plus de quartier.

(A) Il sollicita obstinément le dernier supplice des calvinistes, et ne pouvait souffrir que l’on pardonnât à aucun d’eux. ] Brantôme mérite d’être ouï : Quand on lui amenoit. dit-il, [1], en parlant du duc de Montpensier, quelques prisonniers, si c’étoit un homme, il lui disoit de plein abord seulement : Vous êtes un huguenot, mon ami, je vous recommande à monsieur Babelot. Ce monsieur Babelot étoit un cordelier, savant homme, qui le gouvernoit fort paisiblement, et ne bougeoit jamais d’auprès de lui, auquel on amenoit aussitôt le prisonnier, et lui un peu interrogé, aussitôt condamné à mort et exécuté.

(B) Il fut pendu à un gibet extraordinairenent haut. ] Cela me fait souvenir de la conduite de Galba envers un homme qui tâchait de se délivrer du dernier supplice par son droit de bourgeoisie romaine : il le fit attacher à une croix bien blanchie, et beaucoup plus haute que les autres. C’était pour faire honneur à la qualité du criminel, et pour lui fournir une petite consolation ; mais tout cela pouvait bien tenir de la moquerie : Tutorem quòd pupillum cui substitutus hæres erat veneno necâsset cruce affecit, implorantique leges et civem romanum se testificanti, quasi solatio et honore aliquo pœnam levaturus, mutari, multoque præter cæteras altiorem et dealbatam statui crucem jussit[2]. Je ne sais pas quel fut le motif de ceux qui choisirent un gibet plus exhaussé pour le moine Babelot : peut-être voulurent-ils simplement exciter plus d’attention sur la bizarrerie des caractères du personnage, sans allusion ni rapport à la pratique de l’antiquité. Voyez Justin[3] touchant Maléus, général disgracié des Carthaginois, qui filium cum ornatu suo in altissimam crucem in conspectu urbis suffigi jussit ; et Silius Italicus[4] touchant Régulus :

........Vidi cùm robore pendens
Italiam cruce sublimis spectaret ab altâ.


Haman, dans le livre d’Esther, avait préparé pour Mardochée un gibet de cinquante coudées. On a voulu quelquefois par la taille démesurée du gibet, que le patient fût exposé à la vue de plus de monde. Voyez la remarque (C) de l’article d’Othon III. Je dirai, en passant, que ceux qui comparent cette croix de Galba avec celle dont Verrès se servit contre Gavius [5] n’ont aucune exactitude ; car tout ce qu’il y eut de remarquable dans celle-ci fut qu’on la posa, non pas au lieu où les habitans de Messine avaient accoutumé de crucifier les gens, mais du côté qui regardait l’Italie. C’est ainsi que Verrès voulut insulter au patient qui se disait bourgeois romain : « Il regardera, dit-il, du haut de sa croix l’Italie et sa maison. » Quid attinuit cùm Mamertini more atque instituto suo crucem fixissent post urbem in viâ Pompeiâ, te jubere in eâ parte figere quæ ad fretum spectaret, et hoc addere quod negare nullo modo potes, quod omnibus audientibus dixisti palàm, te idcircò illum locum deligere, ut ille qui se civem romanum esse diceret, ex cruce Italiam cernere ac domum suam prospicere posset. C’est cette dernière circonstance que Cicéron a principalement relevée[6], quoique Lactance,

  1. Brant., Mémoires, tom. III, pag. 281.
  2. Sueton., in Galbâ, cap. IX.
  3. Justin, liv. XVIII, chap. VII.
  4. Lib. II, vs. 343.
  5. Torrentius le fait. Voyez son Comm. in Suet. Galb., cap. IX.
  6. Cicero, in Verr. VII.