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COMÉNIUS.

velationum Drabicianarum, quàm soleo consequi in meum stipendium annuum ex œrario publico.

(G) On le fit aussi connaître par d’autres endroits désavantageux. ] 1°. On l’accuse d’un orgueil énorme, et l’on remarque que c’est le défaut ordinaire de ceux qui prétendent avoir part aux inspirations d’en haut. Effectivement, cette faveur est d’un si grand prix, qu’il ne se faut pas étonner que ceux qui se persuadent que Dieu les honore d’une telle distinction, traitent les docteurs ordinaires de haut en bas. Mais en même temps ils font connaître qu’ils se vantent à tort d’être inspirés : car si Dieu leur faisait ce grand honneur, il ne leur refuserait pas l’esprit de l’humilité chrétienne ; ils ne concevraient pas une si grande indignation contre tous ceux qui ne veulent point ajouter foi à leurs rêveries. Ut est suî plenus (c’est ainsi que Desmarets [1] parle de Coménius), et grandia sentit de seipso, prout solent omnes isti visionarii qui speciale cum numine commercium sibi intercedere gloriantur esse superbissimi, non potest œquo ferre animo suas non dicam solùm nœnias, et quisquilias, fed fanaticas et enthusiasticas cogitationes improbari. 2°. On l’accusa de s’être principalement mis en colère à cause qu’on l’avait convaincu de contradiction. Il avait écrit contre un certain Felgenhavérus, qui débitait des prophéties toutes semblables à celles de Drabicius [2] : il l’avait combattu par des raisons toutes semblables à celles qui battaient en ruine les visions de Drabicius ; il s’était donc réfuté lui-même par avance, et on n’avait qu’à le mettre aux prises avec lui-même pour le tourner en ridicule. Cela le piquait jusques au vif. Et voilà quel est le sort de l’entêtement, et de ceux qui deviennent fanatiques à force de se passionner pour certaines choses. Leurs premiers ouvrages sont le renversement des derniers : et si l’on ose leur reprocher leurs contradictions, ils se mettent dans une colère furieuse. On en a vu un exemple si éclatant depuis la mort de Coménius, qu’il n’est pas nécessaire de le marquer. 3°. On l’accuse de manquer de jugement : pour de l’esprit et de la mémoire, on ne nie pas qu’il n’en ait beaucoup ; et afin de prouver qu’il n’avait point de jugement, on lui dit qu’il se mêlait de trop de choses, qu’il était inquiet et remuant, et qu’il ne pouvait même se fixer à rien sur ses idées de grammaire. Non mirum est quòd in Comenio summa ἀκρισία summæ ingenii dexteritati conjungatur. Illam comprobant ἀκρισίαν constans ejus πολυπραγμοσύνη, genus vitæ desultorium, et ἀκαταςασία perpetua, quæ maximè in suis grammaticationibus fingendis et refingendis per totos 30 annos eluxit. [3]. 4°. On l’accuse d’inconstance en matière de religion. On lui dit que pendant long-temps il avait roulé dans sa tête la pacification de l’église, de concert avec les sociniens [4]. Zwickérus, qui était de cette secte, le lui reprocha publiquement. On ajoute qu’il avait une souplesse merveilleuse, pour s’accommoder au goût du parti avec lequel il avait à vivre ; mais que, s’il en fallait croire le bruit commun, il ne communiait dans aucun parti. On lui reproche sa tiédeur à réfuter les papistes, n’ayant jamais rien écrit contre eux qu’un petit livre contre le capucin Valérien Magni, auquel même il ne mit son nom qu’après l’avoir déguisé selon les règles mystérieuses de la cabale [5]. Il se justifia dans sa seconde édition, en disant qu’il n’avait jamais aimé la dispute. Il voulait joindre à cette seconde édition un projet de réunion entre les protestans et les catholiques ; mais ses amis l’obligèrent à le retrancher [6]. On oublia de lui citer comme une preuve de son inconstance, les écrits qu’il publia contre l’Irenicon Irenicorum du socinien Zwickérus [7]. Mais on n’oublia pas de lui dire que, pendant que ses deux Mécènes avaient vécu, il n’avait parlé de Descartes qu’honnêtement, au lieu qu’après leur mort

  1. Ibidem, pag. 5.
  2. Idem, ibid.
  3. Idem, ibid.
  4. Idem, ibid., pag. 6.
  5. Ita tepidus est in propugnandâ protestantium causâ contra pontificios. ut nonnisi semel tale quid fecerit adversùs Valerianum Magnum capucinum, suo ordinario nomine dissimulato, et assumpto Cabalistico Huldrici Newfeldii, quod præfixit illi paucularum plagarum opusculo. Maresius, in Antirrhetico.
  6. Le titre est intitulé : Absurditatum echo. La seconde édition est de l’an 1658.
  7. Voyez la remarque (M).