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DAVID.

découvrir un secret honteux [1] ; mais quand on eut vu que ce prétendu bâtard était la personne que le prophète cherchait, on changea bien de pensée ; ce ne furent plus que beaux cantiques. David commença par un Te Deum : il loua Dieu qui avait ouï ses prières, et qui l’avait délivré de la note de bâtardise. Isaï continua et dit : La pierre que les architectes ont rejetée est devenue la pierre angulaire qui soutiendra toute la maison. Ses autres fils, Samuel, etc., dirent aussi des sentences. Le rabbin ajoute que le dessein d’Isaï avait été bon, sa femme était vieille, sa servante jeune, et il souhaitait de procréer de nouveaux enfans. Il pensiero d’Isai era buono, perche essendo la patrona vecchia, e la massera giovane, havea desiderio di haver altri figliuoli [2]. Ô la bonne apologie ! si de pareilles excuses suffisaient, quelle multitude d’impudiques ne mettrait-on pas à couvert de la censure ? y eut-il jamais de dogmes sur la direction d’intention plus commodes que celui-là ?

(B) [* 1] Il fut envoyé au roi Saül, pour lui faire passer les accès de sa frénésie, au son des instrumens de musique. ] On pourrait débiter bien des recueils sur ce sujet ; mais je m’en abstiens, et vous renvoie à ceux de Caspar Lœscherus, professeur en théologie à Wittemberg. Consultez sa Dissertatio historico-theologica de Saüle per musicam curato. Elle fut imprimée à Wittemberg l’an 1688.

(C) Il tua Goliath de sa propre épée, et lui coupa la tête, qu’il vint présenter à Saül. ] Les armes de Goliath furent conservées comme un monument de la gloire des Israélites. David les porta d’abord dans sa tente [3], mais apparemment on les mit ensuite dans un lieu sacré ; car nous lisons [4] que David ayant demandé au sacrificateur Abimélec, s’il ne pourrait point lui fournir quelque hallebarde ou quelque épée, ce sacrificateur lui répondit : L’épée de Goliath est là, enveloppée d’un drap derrière l’éphod ; prenez-là, si vous voulez. David se la fit donner. Quant à la tête de Goliath, elle fut portée à Jérusalem [5], lorsque David eut choisi cette ville pour la capitale de son royaume. Josephe dit positivement que ce fut David lui-même qui consacra à Dieu l’épée de Goliath [6].

(D) Saül avait demandé à son général... de qui est fils ce jeune garçon ? ] C’est une chose un peu étrange, que Saül n’ait point connu David ce jour-là, vu que ce jeune homme avait joué des instrumens plusieurs fois en sa présence, pour calmer les noires vapeurs qui le tourmentaient. Si une narration comme celle-ci se trouvait dans Thucydide ou dans Tite-Live, tous les critiques concluraient unanimement que les copistes auraient transposé les pages, oublié quelque chose en un lieu, répété quelque chose dans un autre, ou inséré des morceaux postiches dans l’ouvrage de l’auteur. Mais il faut bien se garder de pareils soupçons lorsqu’il s’agit de la Bible. Il y a eu néanmoins des personnes assez hardies, pour prétendre que tous les chapitres ou tous les versets du Ier. livre de Samuël n’ont point la place qu’ils ont eue dans leur origine. M. l’abbé de Choisi lève mieux, ce me semble, la difficulté. On amena David à Saül, dit-il [7] : d’abord il ne le reconnut pas, quoiqu’il l’eût vu plusieurs fois dans le temps qu’il l’avait fait venir pour jouer de la harpe ; mais comme il y avait plusieurs années, comme David était alors fort jeune, qu’il était venu à la cour en qualité de musicien, et qu’on le voyait alors habillé en berger, il ne faut pas s’étonner qu’un roi accablé d’affaires, et dont l’esprit était malade, eût oublié les traits de visage d’un jeune homme qui n’avait rien de considérable. Je voudrais seulement qu’il n’eût point dit : 1o. qu’il y avait plusieurs années que Saül n’avait vu David ; 2o. que David était fort jeune, quand il vint à la cour de Saül en qualité de musicien. Il n’y a nulle apparence qu’il fût de beaucoup moins jeune

  1. * Cette remarque n’existait pas dans l’édition de 1697.
  1. Ancora che Isai non lo facesse con buona volontà dubitando che si publicasse sua vergogna. Precetti da esser imparati, etc., pag. 68.
  2. Là même, pag. 69.
  3. Ier. livre de Samuel, chap. XVII, vs. 54.
  4. Là même, chap. XXI, vs. 8 et 9.
  5. Là même, chap. XVII, vs. 54.
  6. Joseph., Antiq., lib. VI, chap. XI et XIV.
  7. Choisi, Hist. de la Vie de David, pag. 8, 9, édition d’Amsterd., 1692.