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Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T05.djvu/435

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DAURAT.

Thou ne devait pas dire qu’à cause que la vieillesse, et la guerre civile qui avait chassé de Paris toute la jeunesse, avaient commencé de rendre inutile le travail de Daurat, on eut moins de regret à sa mort. Cela signifie qu’il aurait pu rendre quelque service s’il y avait eu des écoliers à Paris, et qu’il en avait rendu effectivement jusqu’à ce que les infirmités de la vieillesse l’eussent accablé. Il n’avait donc pas renoncé aux fonctions du professorat dès l’année 1567, qui fut celle de la translation de la charge du beau-père au beau-fils ; car s’il y eût renoncé dès-lors, les deux raisons alléguées par M. de Thou pourquoi la perte de ce professeur fut moins regrettée, seraient très-fausses : il semble donc que ce grand historien se soit contredit sur le chapitre de Daurat. Il a dit en quelque endroit que ce professeur avait renoncé à sa charge dès avant la mort de Turnèbe [1], et s’était retiré dans le faubourg de Saint-Victor [* 1], où lui M. de Thou l’allait voir souvent. Jam Joannes Auratus professioni renunciaverat, et in Sanvictorianum suburbium concesserat ; quo frequens itabat Thuanus ex ejusque colloquiis semper instructior redibat, de Budæo quem ille puer viderat, Germano Brixio, Jacobo Tusano sedulò eum percontatus [2]. Ma seconde remarque est que la Croix du Maine déclare en 1584, qu’Aurat fait encore tous les jours leçons ordinaires de sa profession à Paris ; tant il aime à profiter au public, et faire des disciples. Voilà de part ou d’autre des gens qui se sont trompés. Ce qui me paraît de plus probable est que notre homme ayant obtenu que sa profession fût conférée à son beau-fils, ne laissa pas d’enseigner comme auparavant, du moins en particulier.

(N) Il a fait beaucoup de vers. ] Du Verdier Vau-Privas nous en conte apparemment [* 2], lorsqu’il dit [3] que les odes, épigrammes, hymnes, et autres genres de poésies en grec et en latin composés par Daurat passent plus de cinquante mille vers : mais quoique l’on en rabatte tout ce qu’on jugera à propos, il demeurera pour constant qu’il a composé un grand nombre de poésies en ces deux langues, à quoi il faudra joindre celles qu’il a composées en français ; car le même Du Verdier remarque qu’encore qu’il se soit entièrement adonné aux poésies grecques et latines, il n’a pas laissé de poétiser en notre langue française, dont n’a imprimé que bien peu. Il donne le titre de deux poëmes français : M. Teissier donne le titre des latins. Consultez la note [4]. Au reste, M. Ménage n’a pas eu raison de dire que Daurat ne faisait point de vers français, et de soutenir par-là que M. Baillet avait eu tort d’assurer que la Pléiade imaginée par Ronsard n’était que de poëtes français [5]. Si la prétention de M. Ménage était vraie, savoir que Daurat le chef de cette Pléiade ne faisait point de vers français, M. Baillet aurait été critiqué à juste titre : mais cette prétention est fausse ; car outre ce qui vient d’être cité de Du Verdier Vau-Privas, on trouve dans la Croix du Maine, que Daurat a écrit plusieurs poëmes très-doctes tant en grec et latin qu’en français. Ailleurs [6] on trouve que Ronsard appela la Pléiade la compagnie de Jean Antoine de Baïf, de Joachim du Bellai, de Pontus de Tyard, d’Étienne Jodelle, de Remi Belleau, de Daurat, et de lui, parce qu’ils étaient les premiers et plus excellens, par la diligence desquels la poésie française était montée au comble de tout honneur. Conformément à cela M. Ménage lui-même avait dit dans ses remarques sur Malherbe, qu’à l’imitation de la Pléiade de poëtes grecs, Ronsard en fit une des poëtes français qui étaient de son temps........., et que ces poëtes français étaient Ronsard, du Bellai,

  1. * Leclerc observe que Daurat dit que sa maison était au faubourg Saint-Marcel ; mais il ajoute que les faubourgs Saint-Marcel et Saint-Victor étant limitrophes, l’erreur de de Thou est légère.
  2. * Leclerc trouve que Bayle décide trop hardiment. Il ne dit pourtant que, apparemment. Leclerc ajoute que Du Verdier pouvait tenir de Daurat lui-même ce qu’il avançait.
  1. C’est-à-dire, avant 1572.
  2. Thuan., de Vitâ suâ, lib. I.
  3. Bibliothéque, pag. 685.
  4. Voyez le jugement que M. de Thou a fait du Recueil des poëmes latins, et M. Baillet, Jugem. sur les Poët., num. 1337. M. de Thou dit que les libraires y mirent les vers qui n’étaient point de Daurat ; son traducteur a omis cela, apud Teissier.
  5. Anti-Baillet, tom. II, pag. 28.
  6. Dans la Vie de Ronsard.