apparence que Diogène Laërce ait voulu citer l’auteur de ces Muses. Je crois qu’en cet endroit et en quelques autres il entend un Hérodote différent de celui que nous avons.
(B) S’il n’eut pas donné des preuves,.... d’un grand esprit......, il eût encouru une note d’infamie, pour n’avoir pas conservé son bien. ] Les lois du pays portaient que ceux qui auraient dépensé leur patrimoine ne fussent point enterrés dans le tombeau de la famille. Pour éviter les reproches et les chagrins que ses envieux lui auraient pu faire en conséquence de ces lois, il tâcha de se faire dispenser de la peine qu’il pouvait avoir encourue. Pour cet effet, il choisit entre ses ouvrages celui qui surpassait tous les autres [1], et le lut aux magistrats. Ils en furent si charmés qu’ils lui firent un présent de cinq cents talens, et lui érigèrent des statues, et ordonnèrent qu’après sa mort le public aurait soin de ses funérailles : ce qui fut exécuté [2]. Diogène Laërce étrangle de telle sorte ses narrations, que j’ai cru y devoir joindre quelques petites circonstances. Athénée conte mieux le fait : voici comment [3]. C’est que Démocrite fut accusé dans les formes, et obligé de plaider sa cause, et qu’ayant lu un de ses livres [4], et représenté que les dépenses qu’il avait faites pour se mettre en état de le composer avaient englouti son patrimoine, il fut absous. Tout le monde sait les vers d’Horace, qui témoignent la négligence de Démocrite par rapport aux biens de la terre :
Miramur, si Democriti pecus edit agellos
Cultaque, dum peregrè est animus sine corpore velox [5].
Simon Bosius [6] a cru à tort qu’Horace,
par un défaut de mémoire, avait
dit de Démocrite ce qu’il fallait
dire d’Anaxagoras. Il est vrai que Plutarque
nous apprend qu’Anaxagoras
laissa ses terres incultes [7] ; mais
rien n’empêche que Démocrite n’en
ait fait autant. Cicéron ne l’avait-il
pas dit avant Horace ? Democritus,
qui (verò falsò ne quæreremus) dicitur
oculis se privâsse, certè ut quàm
minimè animus à cogitationibus abduceretur,
patrimonium neglexit, agros
deseruit incultos, quid quærens aliud
nisi beatam vitam [8] ? Philon témoigne
que les Grecs ont dit qu’Anaxagoras
et Démocrite avaient laissé
leurs terres incultes, afin de s’occuper
avec moins de distraction à l’étude
de la sagesse [9]. Mais comment,
me direz-vous, peut-on accorder
ceci et les auteurs qui ont dit
[10] que Démocrite, partageant la
succession avec ses deux frères, choisit
le plus petit lot, qui consistait en
argent, et qui par conséquent était
plus propre à un voyageur ? Je réponds
que l’on se doit contenter d’apprendre
les divers récits que l’on
trouve de ces choses ; il serait trop
difficile, la plupart du temps, de les
accorder, et de choisir le meilleur.
Voilà Valère Maxime qui nous conte
que Démocrite donna tous ses biens
à sa patrie, à la réserve d’une somme
très-modique. Il nous représente
ce patrimoine comme un bien immense,
et il ne fait aucune mention
des frères de Démocrite. C’est narrer
les choses très-négligemment. Il y a
quelques autres fautes dans son récit.
Democritus cùm divitiis censeri posset,
quæ tantæ fuerunt, ut pater
ejus Xerxis exercitui epulum dare ex
facili potuerit : quo magis vacuo animo
studiis litterarum esset operatus,
parvâ admodùm summâ retentâ, patrimonium
suum patriæ donavit. Athenis
autem compluribus annis moratus,
omnia temporum momenta ad
- ↑ Il était intitulé Μέγας διάκοσμος.
- ↑ Diogen. Laërtius., in Vitâ Democriti, num. 39.
- ↑ Athen., lib. IV, cap. XIX, pag. 168.
- ↑ C’était le grand Diacosmos, et l’Histoire des Enfers, τὰ περὶ τῶν ἐν ἅδου. Idem, ibidem.
- ↑ Horat., epist. XII, lib. I, vs. 12.
- ↑ Voyez Lambin sur ce passage d’Horace.
- ↑ Ἀνξαγόρας τὴν χώραν κατέλιτε μηλόϐοτον. Anaxagoras agrum ovibus pascendum reliquit. Plut., de vitando ære alieno, pag. 831, E. Τὴν οἰκίαν ἐκεῖνος ἐξέλιπε, καὶ τὴν χώραν ἀϕῆκεν ἀργὴν καὶ μηλόϐοτον ὑπ᾽ ἐνθουσιασμοῦ καὶ μεγαλοϕροσύνης. Hic numinis afflatu et animi ductus celsitudine domum deseruit, et agrun reliquit incultum vastatumque. Idem, in Pericle, pag. 162, B. Voyez la remarque (A) de l’article Anaxagoras.
- ↑ Cicero, de Finibus, lib. V, cap. XXIX.
- ↑ De vitâ contemplat., pag. 861.
- ↑ Apud Laërt.. in Democrito, num. 35. Voyez aussi Élien, liv. IV, chap. XX.