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DOMITIA LONGINA.

son jour natal [1]. Ainsi M. Moréri ne devait point révoquer en doute ces circonstances, rapportées par la Croix du Maine ; encore moins devait-il fonder son doute sur ce que la Croix du Maine était protestant ; car s’il y avait quelque mystère à trouver dans ces circonstances, ce serait beaucoup plus l’affaire d’un catholique que d’un protestant de le chercher : un catholique en tirerait plus de réflexions dévotes qu’un protestant.

Je viens de m’apercevoir que Théodore de Bèze qui, avant que de professer ouvertement la religion reformée, avait publié une épitaphe tout-à-fait glorieuse à notre Dolet [2], la retrancha des éditions de ses poésies depuis qu’il eut abjuré la foi romaine [* 1]. C’est une preuve que les protestans ne prenaient point d’intérêt au supplice de ce personnage.

  1. * « Mais, dit Leduchat, Gruter, ou moins

    scrupuleux que Bèze, ou plutôt mieux informé

    que lui touchant Dolet, le lui a restitué à la

    page 596 du tome III de ses Deliciæ poëtarum

    gallorum, imprimé en 1609.

  1. Stephanus Doletus, Aurelius Gallus, die sancto Stephano sacro, et natus et Vulcano devotus in Malbertinâ areâ Lutetiæ 3 Augusti 1546.
  2. Elle est parmi le Juvenilia Theodori Bezæ, au feuillet 31 de l’édition dont je me sers, qui est in-16, sans nom d’imprimeur et sans date.

DOMITIA LONGINA, fille de l’illustre Domitius Corbulon [a], se rendit indigne par son impudicité d’avoir un tel père. Domitien ayant été déclaré César se donna toutes sortes de licences. Il débaucha plusieurs femmes, et trouvant Domitia fort à son goût, il l’obligea d’abandonner son mari [b]. Il la garda quelque temps sur le pied de concubine, et puis il l’épousa solennellement. [c]. La dignité d’impératrice ne l’empêcha pas de devenir amoureuse d’un comédien (A). Cela fut cause que l’empereur la répudia : mais comme il ne pouvait se passer d’elle, il la reprit un peu après [d] ; et, pour cacher cette bassesse, il allégua que le peuple avait souhaité qu’il fît revenir Domitia : Id populus curat scilicet. On prétend que cette femme, se défiant de l’humeur farouche de son mari, chercha les moyens de s’en défaire, et qu’elle trempa dans la conspiration où il périt (B). On soupçonna Titus, frère de Domitien, d’avoir eu affaire avec elle : mais on la tint pour justifiée lorsqu’elle l’eut nié avec serment ; car au lieu de nier de semblables aventures, elle avait accoutumé de s’en vanter (C). Elle eut beaucoup de considération pour Josephe, à qui elle ne cessa de faire du bien [e]. Quant à son premier mari [f], il n’en fut pas quitte pour l’avoir perdue : Domitien, non content de lui avoir enlevé sa femme, lui ôta aussi la vie [g]. On lit dans Procope, touchant la femme de Domitien, un fait fort digne de louange (D). La question est si cela est véritable.

  1. Xiphil., in Vespas., pag. m. 217.
  2. Sueton., in Domit., cap. I.
  3. Xiphil., in Vespas., pag. 217.
  4. Sueton., in Domit., cap. III.
  5. Joseph., de Vitâ suâ, sub fin.
  6. Il s’appelait Ælius Lamia.
  7. Sueton., in Domit., cap. X.

(A) La dignité d’impératrice ne l’empêcha pas de devenir amoureuse d’un comédien. ] Ce comédien s’appelait Pâris : il fut tué en pleine rue par les ordres de Domitien, à cause qu’il avait eu la hardiesse de jouir de l’impératrice. Domitien eut envie de faire égorger sa femme, pour la punir de cet infime commerce ; mais par le conseil d’Ursus il se contenta de la chasser. Xiphilin ne nous en dit pas davantage [1] ; c’est de Suétone que nous apprenons que Domitien la fit revenir bientôt. Uxorem Domitiam

  1. Xiphil., in Domit., pag. m. 230, 231.