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CHAM.

pour autrui que pour ses affaires propres, craignant Dieu, détestant et condamnant toutes sortes de vices, et principalement les violences et les nouveautés, même celles de la religion. Il aimait l’ordre, la droiture, et la paix........ Parmi les confusions de la France, il persévéra constamment en l’obéissance de son prince, le parti duquel, comme le jugeant seul juste et légitime, il a toujours fidèlement suivi. Aussi, lorsque le parlement fut transféré de Toulouse à Castelsarrasin, il fut choisi entre tous, pour aller de sa part saluer le roi à Lyon l’an 1594, de quoi le roi fut merveilleusement content, comme il témoigna par le gracieux accueil qu’il lui fit, et par un présent qu’il lui donna : et lui s’estima bien heureux d’avoir été le premier officier du parlement de Toulouse que le roi vit depuis son avénement à la couronne, et depuis le commencement de la réduction du Languedoc à son service. Derechef en l’an 1603 il fut délégué par le même parlement devers sa majesté, pour plusieurs affaires importantes : auquel voyage, pour une honorable récompense de ses longs services, le roi, de son propre mouvement, et sans qu’il l’eût demandé, le fit conseiller en ses conseils d’état et privé, dont il prêta le serment ès mains de M. le chancelier de Bellièvre, auquel il appartenait de quelque alliance [1]. »

(C) Il trouvait tant de satisfaction depuis sa retraite, qu’il disait souvent, que tout le long du reste de sa vie il n’avait aucunement vécu. ] Il se pouvait donc comparer à un homme illustre qui fut préfet du prétoire sous l’empereur Hadrien. Je parle de Similis, qui n’était monté à cette charge qu’à regret, et qui s’en défit volontairement, après quoi il se retira à la campagne, et mourut au bout de sept ans. Il voulut que l’on mît sur son tombeau, ici gît Similis, dont l’âge a été fort long ; mais qui n’a vécu que sept années [2]. Voyez plusieurs recueils touchant de pareilles choses dans les Méditations historiques de Camerarius, au chapitre V du IIIe. livre du Ier. volume.

(D) Plusieurs auteurs lui ont donné des éloges. ] Je n’en donnerai pour preuve que les quatre premiers vers d’une épigramme latine, que Pierre le Loyer lui adressa :

Cum sua quisque tibi culto munuscula versu
Offerat, et genio dedicet illa tuo,
Haud ego postremos inter numerabor amicos,
Et levia, at saltem munera grata dabo.

Cette épigramme est à la suite des vers français par lesquels l’auteur dédia sa comédie du Muet insensé à ce président aux enquêtes. Voici comment il le loue,

Quand j’aurois autant d’or qu’en versent le Pactole
Et le Tage espagnol en leur arène molle :
Quand je tiendrois à moi tous les biens plantureux
Et les riches thresors des Attales heureux,
Encor je n’oubliray le doux soin qui m’amuse,
Et le désir ardent que je porte à la muse :
Encor le dieu Phébus et son docte savoir,
Pourroient d’un feu gentil ma poitrine esmouvoir,
Et encor, mon Chalvet, chère teste et sacrée,
L’honneur de ton Auvergne, et le mignon d’Astrée,
Je chanteray ton nom et je voudray semer
Par mes vers tes honneurs aux deux coins de la mer.
Soudain que je t’eus veu et gousté la doctrine,
Et les grâces des dieux mises dans ta poitrine,
Aussitôt j’eus ou cueur vouloir de t’honorer,
Et en quelque façon une fois te montrer
Combien j’ai en amour tes mœurs et ta science,
Et ton parler humain et ta douce éloquence,
Et combien je l’estime, à cause que te vois
Honorant le sçavoir de ces braves Grégeois,
Ces Grégeois anciens, qui du milieu de Grèce
Nous ont icy coulé l’amour de la sagesse [3].

  1. Sommaire de la Vie de M. de Chalvet.
  2. Xiphilin., in Hadriano, pag. m. 266.
  3. Œuvres et Mélanges poétiques de Pierre le Loyer, fol. 122 verso, édit. de Paris, 1579.

CHAM, le plus jeune des trois fils de Noë (A). On ne sait de lui autre chose, sinon qu’il alla dire à ses frères qu’il avait vu Noé tout nu dans sa tente [a]. Sur ce fait unique on a bâti je ne sais combien de grotesques ; un peu de levain a fait lever en cette rencontre une énorme quantité de pâte. On a cru que, puisque Cham fit paraître tant d’indiscrétion envers son père,

  1. Genes., chap. IX, vs. 22.