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CHARLES QUINT.

exercées sur cette belle matière (Y). J’ai oublié d’observer que l’on a dit, qu’afin de goûter de toutes sortes de dominations, il aspira à être pape (Z). Si on l’avait traité en cet état comme il traita Clément VII, il eût été bien marri que ses vœux eussent été exaucés. On prétend que les ravages d’Alaric et de Totila, et tout ce, en général, que les peuples les plus barbares ont fait dans Rome, n’approche point des excès que l’armée de Charles-Quint y commit. Il y eut là-dessus une chose remarquable. Ce prince prit le deuil pour cette victoire : il fit défendre le son des cloches [a], et ordonna des processions et des prières publiques par toutes les églises pour la délivrance du pape son prisonnier [b] ; et néanmoins il ne châtia aucun de ceux qui traitèrent le pape et la ville de Rome si indignement [c]. Ces artifices d’une profonde politique n’ont pas été moins remarqués que ceux dont il se servit dans la rébellion de Naples (AA). Ceux, qui le préfèrent à tout ce qu’il y avait eu de plus grand dans l’Europe depuis les Romains [d], le flattent ; car qu’acheva-t-il ? La guerre qu’il fit dans l’empire pour sa religion ne fut-elle point terminée à l’avantage des protestans ? et bien loin d’avoir conquis quelque chose sur la France, il n’avait pas eu même la force de retirer d’entre les mains de cette couronne ce qu’elle avait conquis. Si son successeur en recouvra la principale partie, ce fut par un traité de paix où la France se laissa duper et trahir honteusement.

Les historiens de Charles-Quint ont trop imité les poëtes : ils ont entassé souvent beaucoup de prodiges dont ils prétendent que ses victoires furent précédées. C’est ce qu’ils ont fait principalement à l’égard de la bataille de Mulberg, qu’il gagna le 24 d’avril 1547. Ils disent que le soleil s’arrêta (BB), et que Dieu fit en faveur de sa majesté catholique le même miracle qu’il avait fait pour Josué. On fit courir une prophétie qui promettait à cet empereur la défaite des Français, celle des Turcs, la conquête de la Palestine, etc. (CC). Nous dirons un mot touchant un lis qu’il avait planté dans le jardin de sa solitude (DD). Je ne sais si l’on a jamais réfléchi sur une circonstance notable du siége de Metz. Il ne forma point d’entreprise qui fût plus juste que celle-là ; ni dont le succès fût plus malheureux (EE). On ne doit point passer sous silence ce qu’il dit à François Ier. Nous commandons vous et moi à des peuples si bouillans, si fiers et tempestatifs, que si nous ne nous faisons quelque guerre par intervalles pour les amuser, et leur amortir cette impétuosité belliqueuse, nos sujets propres nous la feront, qui sera bien pis [e]. Il laissa une instruction à son fils, dans laquelle en-

  1. La Mothe-le-Vayer, tom. II, pag. 178.
  2. Maimbourg, Histoire du Luthéran., tom. I, pag. 163.
  3. La Mothe-le-Vayer, tom. II, pag. 178.
  4. Bautru le faisait. Voyez Saint-Evremond, Œuvres mêlées, tom. I, sur le mot de Vaste, pag. 103, édit. de Hollande [tom. IV, pag. 21, édition de Hollande, 1726.]
  5. Matthieu, Histoire de la Paix, liv. I, narrat. II, pag. m. 66, 67.