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CHARPENTIER.

Portus lui fit. Cette réponse contient beaucoup de particularités de la vie de Charpentier, peu honorables, pour ne pas dire ignominieuses.

(B) Il fit imprimer quelques autres livres. ] Selon la Croix du Maine, il a escrit plusieurs livres tant en latin qu’en françois, lesquels ont esté imprimez pour la pluspart ; mais je ne sçai si ceux qui sont mis en son nom, il les vouldroit advouer pour siens, d’autant qu’il y en a plusieurs qui lui ont mis assus des livres desquels il n’estoit pas auteur..... J’ai veu un sien traicté latin touchant le port des armes ; mais je ne sçai si la traduction françoise est faite par lui. Il a esté imprimé à Paris en l’une et l’autre langue[1]. Cet ouvrage de Charpentier a pour titre, Pium et christianum de armis consilium, et fut imprimé à Paris, l’an 1575. J’ai parlé ailleurs[2] d’une réponse qui y fut faite.

(C) M. Rivet ne connaissait guère Pierre Charpentier. ] Les controversistes de Rome reprochent éternellement à ceux de la religion les guerres civiles de France, comme une chose approuvée par les ministres. Ils se servent quelquefois du témoignage de Charpentier[3]. Le jésuite Pétra Sancta, dans un ouvrage qu’il publia contre M. du Moulin, eut la hardiesse d’avancer qu’on prit des mesures à Genève pour faire périr en même temps François II, Catherine de Médicis sa mère, Marie Stuart sa femme et ses frères, etc.[4]. Il cite Surius, l. 4. ad ann. 1561 ; Petrus Carpentarius ; Genebrardus in chronol. M. Rivet, réfutant l’ouvrage de ce jésuite, dit entre autres choses que ces trois témoins n’avaient nulle autorité ; que Surius a été convaincu de calomnie par Baronius, pour avoir diffamé Victorin, évêque de Poitiers [5] ; et que Charpentier et Génebrard, ligueurs opiniâtres, encoururent la haine du roi. Carpentarius et Genebrardus qui inter regis perduelles vixerunt, et justam ejus indignationem incurrerunt, inter eos qui ultimi steterunt in adversis partibus, an digni sunt quorum testimonio contra tales habeatur fides[6] ? Si M. Rivet avait su qu’on lui objectait le même Pierre Charpentier qui avait écrit une apologie pour la Saint-Barthélemi, que M. de Thou avait marqué presque d’un fer chaud, eût-il gardé le silence sur de telles choses ? Je m’imagine qu’il se trouva dépaysé par la citation vague de cet auteur, et que, n’osant le prendre pour cet avocat qui fut roué à cause de ses intelligences avec l’Espagne [7] environ l’an 1596, et qui était fils de Jacobus Carpentarius, grand adversaire de Ramus, il s’expliqua faiblement.

  1. La Croix du Maine, pag. 389.
  2. Tome XV de ce Dictionnaire, dans la Dissertation sur Junius Brutus, num. XVIII.
  3. Voyez Brerleius, Apolog. protestaotum pro Romanâ ecclesiâ, pag. 642.
  4. Sylvester Petra-Sancta, Notis in epistol. Petri Molinæi ad Balzacum, pag. 102.
  5. Baron., tom. III, ann. 324, num. 226, apud Rivet., Operum tom. III, pag. 538.
  6. Rivetus, in Jesuita vapulante, c. XIII, num. XII, pag. 538, tom. III Oper.
  7. Voyez grande Histoire de Mezerai, tom. III, pag. 1189.

CHARRON (Pierre), auteur d’un livre qui a fait beaucoup de bruit, et qui a pour titre de la Sagesse, naquit à Paris l’an 1541, et y fit avec beaucoup de progrès ses classes et son cours de philosophie. Il étudia ensuite le droit civil et le droit canon, à Orléans et à Bourges, et reçut le doctorat en cette science dans la dernière de ces deux universités. Puis il revint à Paris, et ayant été reçu avocat au parlement, il fréquenta le barreau avec beaucoup d’assiduité cinq ou six années ; mais comme il prévit qu’il lui serait difficile de s’avancer par cette route, à cause qu’il se sentait incapable de s’abaisser à faire sa cour aux procureurs et aux solliciteurs de procès, il s’appliqua tout de bon à l’étude de la théologie, et à la chaire, et il devint un si grand prédicateur que plusieurs évêques s’empressèrent à l’attirer dans leurs diocèses. Arnaud de Pontac, évêque