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DRABICIUS.

raillerie. Mais il eut une consolation extatique qui le rassura, et qui lui défendit de jeter au feu ses pancartes, puisque Dieu lui amènerait Coménius, auquel elles seraient consignées [a]. Coménius, ayant des affaires en Hongrie, l’an 1650 (D), y vit la personne et les prophéties de Drabicius, et fit telles réflexions qu’il jugea bon être, sur ce que depuis trois ans les visions de ce personnage lui avaient promis Coménius pour coadjuteur. C’est quelque-chose de considérable que Sigismond Ragotski, se voyant poussé par Drabicius à faire la guerre à l’empereur, et par sa mère à vivre en paix, ne savait que faire, combattu de part et d’autre par de terribles menaces. Drabicius lui dénonçait les jugemens du Très-Haut en cas de paix, et sa mère le menaçait de lui donner sa malédiction en cas de guerre. Dans cette perplexité il se recommanda aux prières de Drabicius, et à celles de Coménius [b], et se tint en repos jusques au jour de sa mort, C’est-à-dire jusques au 4 de février 1652. Coménius, qui ne s’attendait point à cela [c], en fut étrangement surpris. L’ange qui lui disait tout ne lui avait point révélé ce grand article (E). George Ragotski, prince de Transylvanie, frère du défunt, ne savait rien de tout ce manége prophétique ; mais Coménius lui en apprit le détail, en lui donnant un exemplaire des écrits de Drabicius. Celui-ci fut réhabilité au ministère le 20 de juin 1654 [d]. Coménius fit ce coup-là en passant par la Hongrie pour s’en retourner en Pologne. Depuis son départ de la cour de Transylvanie il fallut se servir d’une autre personne pour notifier au prince les visions de Drabicius. Elles se présentaient plus dru que jamais, et donnaient ordre coup sur coup qu’on en fit part au coadjuteur, afin qu’elles fit connaître aux nations et langues, et à tous les peuples de la terre, et nommément aux Tartares et aux Turcs [e]. Coménius se trouvait embarrassé entre la crainte de Dieu et celle des hommes : il craignait en n’imprimant point les révélations de Drabicius de désobéir à Dieu ; et, en les imprimant, de s’exposer à la moquerie et à la censure des hommes. Voici le milieu qu’il prit [f]. Il résolut de les imprimer, et de n’en point distribuer les exemplaires ; et de là vint qu’on intitula le livre, Lux in tenebris [g]. Mais la résolution de tenir cette lumière sous le boisseau ne dura pas ; elle succomba sous deux insignes événemens que l’on prit pour la grande crise, et pour le dénoûment du mystère. L’un de ces événemens fut l’irruption de Ragotski dans la Pologne (F) ; l’autre fut la mort de l’empereur Ferdinand III. Ni l’un ni l’autre ne servirent de rien aux prédictions : au contraire, ils servirent à les confondre. Ragotski se perdit par son irruption dans la Pologne, et l’on élut Léopold, roi de Hongrie, à la place de Ferdinand III, son

  1. Ibid., pag. 148 et 149.
  2. Ibid., pag. 156.
  3. Ibid., pag. 157.
  4. Ibid., pag. 177.
  5. Ibid., pag. 179.
  6. Ibid., pag. 183.
  7. Voyez la remarque (A) de l’article Kottérus, tome VIII.