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DRABICIUS.

(B) Il s’enferma dans le château de Lednitz..…… Il se tenait proche des canons... et mettait la main à l’œuvre. ] Coménius l’en blâme. Drabicio tamen, dit-il[1], vitio datum, quòd dum ex arce tormenta in hostem librarentur, ille non interesse tantùm (ad alios præsentiæ divinæ spe, juxta promissionem sibi factam, animandum) sed et tormento uni ignem ipsemet admovere voluit : cùm eum in angulo esse, et precibus vacare, præstitisset. Sed inconsideratus hic novi Petri (materiali gladio Dominum defendere presumentis) zelus à Domino ipso castigatus fuit : permisso ut flammæ pars in illum retrò se agens faciem illi ambureret, oculumque alterum læderet. Utili commonitorio, ut quisque sibi demandata faciat, aliena munia aliis relinquat. Un homme qui croit avoir des inspirations doit être rempli de foi, fata viam invenient, doit-il dire. Mais on voit au contraire très-souvent qu’il se défie de la providence de Dieu, à moins qu’elle ne soit assistée de tout ce que la prudence humaine peut contribuer de son côté. Nos inspirés ou soi-disant tels se donnent moins de repos que les autres hommes : leur agitation, leur inquiétude, leur vigilance à préparer les moyens humains qui seraient capables d’amener les événemens les moins prévus et les moins prophétisés, marquent qu’ils ne sont que trop imbus de ces maximes païennes, dont j’ai parlé dans l’article d’Acosta[2], c’est-à-dire, qu’à l’exemple des Lacédémoniens il faut invoquer les dieux en mettant la main à l’œuvre ; et que, selon le précepte d’Hésiode, il faut que le laboureur fasse ses prières la main à la charrue [3], et qu’en un mot les supplications des fainéans sont désagréables au ciel, et renvoyées à vide[4]. On se moqua de Persée roi de Macédoine[5], qui se retira fort promptement du combat, sous prétexte d’aller offrir des sacrifices à Hercule : on prétendit que la victoire n’était due qu’au général qui la demandait aux dieux en se battant courageusement ; voilà le véritable moyen d’être exaucé, disaient les païens : Ἀλλὰ ταῖς Αἰμιλίου παρῆν ευχαῖς ὁ θεός· εὐχετο γὰρ κράτος πολέμου καὶ νίκην δόρυ κρατῶν, καὶ μαχόμενος παρεκάλει σύμμαχον τὸν θεόον. Sed Pauli precibus volens propitiusque annuit Deus, quippe petebat victoriam belli et palmam hastam tenens pugnansque opem implorabat Dei[6]. Nos prétendus prophètes suivent dans le fond ces idées-là.

(C) Il alla signifier à Ragotski..... que Dieu lui faisait commandement de ruiner la maison d’Autriche et le pape. ] Il reçut ordre de s’en aller au camp de ce prince, et de lui parler d’abord en termes de douceur et ensuite en termes de menace. On devait commencer par lui apprendre que le ciel l’avait choisi pour roi de Hongrie, mais à condition qu’il renverserait la domination autrichienne et la papale, en quoi Dieu l’assisterait d’une façon très-particulière. On devait finir par lui apprendre que, s’il résistait à la voix de Dieu, tout périrait chez lui jusqu’aux chiens. « [7] Ignavus horum arcanorum Drabicius [8], mandatum accipit 22 julii et 31 julii principis Racocii castra adeundi, principemqne primùm blandis verbis, deindè duris, alloquendi. Blandis : electum esse divinitùs in regem Hungariæ, sed eâ conditione ut austriacæ et papali dominationi finem imponat : habiturus auxilio Deum ad omnes hostiles exercitus clade afficiendum. (Rev. XXX.) Duris autem : si viperinam illam progeniem persequi renuerit, mala inducturum esse Deum, excisurumque de domo ejus mingentem etiam ad parietem. (Rev. XXXI. v. 4). » C’était fort bien imiter le style et les manières des anciens prophètes. Je ne trouve pas que

    magis acuerent : ut si Deus nostrî misertus rursùm nos ecclesiis redderet, nemo hebetatus rediret, exercitatior potiùs. Idem, ibid.

  1. Comenius, Hist. Revelation., pag. 145.
  2. Remarque (B), tome I, pag. 187.
  3. C’est ainsi que plusieurs entendent le passage d’Hésiode, lib. II, Ἔργ. καὶ ἡμέρ. vs. 83.
  4. ......Sibi quisque profecto
    Est Deus : ignavis precibus fortuna repugnat.
    Ovidius, Metam., lib. VIII, vs. 72.

  5. Plut., in Paulo Æmilio, pag. 265.
  6. Idem, ibid., C.
  7. Histor. Revelat., pag. 147.
  8. C’est-à-dire que Drabicius ne savait pas que le Turc envoyât courrier sur courrier à Ragotski pour lui défendre de joindre ses troupes avec celles des Suédois dans la Moravie, l’an 1645, et que l’empereur offrît à Ragotski les plus favorables conditions de paix.