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HOTMAN.

Hotman, dit-il[1], avocat général de la ligue au parlement de Paris, écrivit le traité du Droit de l’Oncle contre le Neveu pour succéder à la couronne. Mais il arriva, par une heureuse et assez plaisante rencontre, que le jurisconsulte François Hotman, frère de l’avocat, voyant ce livre, qu’on débitait en Allemagne où il était en ce temps-là, soutint avec beaucoup de force et de doctrine le droit du neveu contre l’oncle, et fit voir manifestement dans un savant écrit qu’il publia sur ce sujet, le faible et tous les faux raisonnemens du traité de son adversaire, sans savoir que ce fût son frère, qui n’y avait pas mis son nom. Il y a plusieurs méprises dans ces paroles. 1o. Il n’est pas vrai que François Hotman ait écrit contre un auteur inconnu. Il écrivit contre le nommé Matthieu Zampini, de Récanati, jurisconsulte italien. Id Matthæus Zampinus Racanatensis de trivio J.-C. à fœderatis pecuniâ subornatus, editâ consultatione probare conatus fuerat, quam Fr Hotomannus magni nominis nostrâ ætate J.-C. contrariâ consultatione itidem editâ confutavit[2]. 2o. Par conséquent il n’est pas vrai qu’il ait écrit contre son frère. 3o. Il n’est pas vrai qu’il ait fait ce livre l’an 1589[* 1] : il le fit environ l’an 1585 ; comme le remarque M. de Thou ; ce qui s’accorde avec Nevelet qui lui donne alors soixante ans. 4o. Il était en ce temps-là à Genève, et non pas en Allemagne. 5o. Antoine Hotman n’était pas l’un des avocats généraux de la ligue, l’an 1589 : il ne le devint que deux ans après[3], lorsque Jean le Maître, qui en faisait les fonctions avec Louis d’Orléans, eut été promu à la charge de président au mortier. Le président Brisson était déjà mort. 6o. Ce fut Antoine Hotman qui écrivit contre son frère François Hotman, et non pas celui-ci contre Antoine Hotman. Posteà et peculiari libro quem consultationi à Francisco fratre pro Navarro editæ……… opposuisse videri voluit (Antonius Hotmannus), rationes amplificatæ[4].

(G) On ne mit pas dans l’édition de ses ouvrages tout ce qu’il avait publié. ] On n’y mit point les écrits burlesques qu’il avait faits contre Matharel et contre Papyro Masson, ni le livre qu’il publia à Genève, l’an 1553, sous le nom de François de Villiers, Ad Remundum Rufum defensorem Rom. pontificis contra Carolum Molinæum de statu primitivæ ecclesiæ, etc.[5] ; ni la Nullitatis protestatio adversùs formulam Concordiæ[6], qu’il mit au jour sous le nom de Johannes Palmerius ; ni l’apologie de ce dernier livre, dans laquelle il se déguisa sous le nom de Joannes Franciscus Aspastis Salassi V. D. M.[7]. On n’y mit point son Anti-Tribonianus, qui parut en français, l’an 1603, et dont la version latine fut imprimée à Hambourg, l’an 1647. Voyez touchant ce livre le curieux M. Baillet[8]. Enfin on n’y mit pas son Brutum fulmen, qui n’est pas un écrit burlesque, comme M. de Thou le débite[* 2]. C’est un ouvrage tout-à-fait sérieux, où François Hotman réfute la bulle que Sixte V publia l’an 1585, contre le roi de Navarre et contre le prince de Condé. Posteà, dit M. Thou[9], et in censuram illam scripsit Franciscus Hotmannus J.-C. joculari isto stylo, libroque Brutum fulmen titulum fecit, quo et de B. Francisci et B. Dominici vità ac moribus veteres historiæ, ab obsoletè devotis viris scriptæ ridiculè discutiuntur. Il

  1. (*) J’ai un Traité dont le titre est : ad Tractatum Matthæi Zampini J. C. Recannatensis, de successione prærogativâ primi principis Franciæ ; Ornatissimi viri P. C. A. F. civis Parisiensis, et regii consiliarii, Responsio. C’est un in-8o. de 80 pages, imprimé chez les héritiers de Wéchel, 1589. François Hotman était Parisien, et d’ailleurs il avait des lettres de conseiller d’état du roi de Navarre, qui, sous le nom de Henri IV, parvint à la couronne de France, Hotman vivant encore. Ainsi cet ouvrage-ci pourrait bien être le sien. Rem. crit.
  2. * Leduchat remarque que de Thou n’appelle pas le Brutum fulmen, un écrit burlesque. De Thou dit que l’auteur écrivait stylo joculari, ce qui ne veut dire autre chose sinon que le livre d’Hotman, tout sérieux qu’il est, contient des traits enjoués.
  1. Histoire de la Ligue, liv. IV, pag. m. 367, à l’ann. 1589.
  2. Thuan., lib. LXXXI, init., ad ann. 1585.
  3. Mézerai, Histoire de France, tom. III. pag. 999.
  4. Thuan., lib. XCI, sub fin. Voyez aussi Mézerai, Histoire de France, tom. III, p. 708.
  5. Epitome Biblioth. Gesneri, pag. m. 239.
  6. Voyez Placcius, de Pseudon., p. 233.
  7. Placcius, ibid., pag. 153.
  8. Baillet, dans ses Anti, art. 131.
  9. Lib. LXXXII, pag. 33, ad ann. 1585.