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MAIMBOURG.

par les deux cents hérésies qui, selon le calcul de Bellarmin, ont fait de grands ravages dans l’église romaine, qui a toujours déclaré, dit-on, qu’elle était infaillible. Il ajoute [1] qu’il y a dans la naissance des hérésies ce qu’on appelle θεῖον τὶ, quelque chose de surnaturel ; et qu’ainsi il ne faut pas s’imaginer que nous ayons des moyens d’arrêter ces maux, sans que Dieu s’en mêle d’une manière extraordinaire. Il y a deux grands défauts dans cette réponse : 1°. C’est avouer aux adversaires que Dieu n’a laissé à son église aucun moyen ordinaire qui soit capable de terminer les disputes ; 2°. que la multitude des hérésies, qu’on a vue dans le christianisme, fait voir que le dogme de l’autorité n’est pas propre à les éteindre. Comment cet auteur n’a-t-il point vu que ces hérésies n’auraient jamais pu durer, si leurs sectateurs avaient adopté ce dogme ? Elles ne se sont maintenues qu’en le rejetant : cela prouve-t-il quelque chose contre la bonté du remède ? Un malade qui ne guérit point, parce qu’il rejette tout ce que le médecin lui ordonne, peut-il être un témoignage que les remèdes de ce médecin ne valent rien ? Cela soit dit en passant pour avertir les lecteurs qu’il y a une ample moisson de critique dans les ouvrages de controverse.

Je reviens aux livres du père Maimbourg sans donner le titre de ses histoires : on le trouvera dans le Supplément de Moréri [* 1]. Je crois pouvoir dire qu’il avait un talent particulier pour cette sorte d’ouvrages. Il y répandait beaucoup d’agrément, et plusieurs traits vifs, et quantité d’instructions incidentes. Il y a peu d’historiens, parmi même ceux qui écrivent mieux que lui, et qui ont plus de savoir et d’exactitude que lui, qui aient l’adresse d’attacher le lecteur autant qu’il fait. Je voudrais que ceux qui pourraient le surpasser en bonne foi et en lumières, nous donnassent toutes les histoires qu’il eût entreprises, s’il avait vécu encore vingt ans, et qu’ils y semassent les mêmes attraits que lui. Ce ne serait pas un bien médiocre pour la république des lettres. J’ai dit dans le corps de cet article que son Histoire de l’Arianisme, et celle des Iconoclastes, furent critiquées. Cette critique est fort bonne [2] : elle fut brûlée à Paris, l’an 1674. On la réimprima en Hollande, l’an 1683. Son histoire de l’église de Rome a été aussi critiquée, et j’ai ouï dire que l’auteur de cette critique est M. Boileau le docteur. Son ouvrage a été imprimé deux fois [3], et il est fort augmenté dans la seconde édition. Il est parlé de la première dans les Nouvelles de la République des Lettres [4]. L’extrait qu’on y trouve de cette pièce fait voir que M. Maimbourg réussit très-mal dans les assauts qu’il donna à l’infaillibilité du pape et à la supériorité du saint siège sur les conciles.

(E) Je ferai une remarque sur un cousin qu’il avait, nommé Théodore Maimbourg. ] Il se conforma à la coutume du temps, qui était que ceux qui changeaient de religion publiassent quelque chose sur les motifs de leur changement. La lettre qu’il écrivit sur ce sujet à son frère aîné, fut imprimée l’an 1659. Il se retira en Guienne [5] chez le marquis de Bougi, et composa une Réponse sommaire à la méthode du cardinal de Richelieu. Il la dédia à madame de Turenne, et envoya le manuscrit à Samuel des Marets, qui le publia à Groningue, l’an 1664. L’auteur se donne le nom de R. de la Ruelle. Il rentra dans la communion romaine quelque temps après, et il en faisait profession lorsque le fameux ouvrage de l’Exposition de la Doctrine catholique fut imprimé [6]. Il fit même des réflexions sur cet ouvrage, qui furent vues en manuscrit par des gens de la religion. C’est ce qui fit que M. de la Bastide [7] avança qu’on savait

  1. * Joly donne le catalogue exact des ouvrages de Maimbourg, au nombre de vingt sept articles ; il déciare n’avoir indique que les éditions les plus estimées des ouvrages historiques de ce jésuite.
  1. Là même, pag. 351.
  2. Elle a pour titre : Entretiens d’Eudoxe et d’Euchariste, sur l’Histoire de l’Arianisme et l’Histoire des Iconoclastes, du père Maimbourg.
  3. En Hollande, l’an 1686 et l’an 1688.
  4. Mois d’avril 1686, pag. 461.
  5. Au château de Calonge, dans le Condomois, proche d’Agen.
  6. Composé par M. Bossuet, alors évêque de Condom. Ce livre fut imprimé pour la première fois, l’an 1671.
  7. Dans l’avertissement de sa Réponse au livre de M. de Condom. Voyez l’avertissement