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MAJUS.

et alius ille Arabs, qui græcè barbarizans unà cum Artemidoro in lucem prodiit in Galliâ. Hodiè in pretio habent Apomasaris Arabica Apotelesmata, ex recentioribus Conra. Wimpina, vellem ne tam multa sinè antidoto congessisset [* 1]. Avorum quoque memoria, hanc in Italiâ vanissimè profitebatur artem Junianus Majus [* 2] : cujus extant epistolæ et libelli quidam grammatici [1].

(D) Cela n’est pas indigne d’une réflexion. ] Il serait à souhaiter pour le bien et pour le repos d’esprit d’une infinité de gens, que l’on n’eût jamais parlé des songes comme d’une chose qui présage l’avenir ; car les personnes qui sont une fois imbues de cette pensée, s’imaginent que la plupart des images qui leur passent par l’esprit pendant leur sommeil, sont autant de prédictions le plus souvent menaçantes : de là naissent mille inquiétudes ; et pour un homme qui n’est point sujet à ces faiblesses, il y en a mille qui ne sauraient s’en défendre. Je crois que l’on peut dire des songes la même chose à peu près que des sortiléges : ils contiennent infiniment moins de mystères que le peuple ne le croit, et un peu plus que ne le croient les esprits forts. Les histoires de tous les temps et de tous les lieux rapportent, et à l’égard des songes, et à l’égard de la magie, tant de faits surprenans, que ceux qui s’obstinent à tout nier se rendent suspects, ou de peu de sincérité, ou d’un défaut de lumière qui ne leur permet pas de bien discerner la force des preuves. Une préoccupation outrée, où un certain tour d’esprit naturel leur bouche l’entendement, lorsqu’ils comparent les raisons du pour avec les raisons du contre. J’ai connu d’habiles gens qui niaient tous les présages des songes, par le principe que voici. Il n’y a que Dieu, disaient ils, qui connaisse l’avenir, c’est-à-dire l’avenir qu’on appelle contingent : or presque toujours c’est l’avenir contingent que les songes nous annoncent, quand on suppose qu’ils sont des présages : il faudrait donc que Dieu fût l’auteur de ces songes ; il les produirait donc par miracle ; et ainsi dans tous les pays du monde il produirait une infinité de miracles, qui ne portent point le caractère ni de sa grandeur infinie, ni de sa souveraine sagesse. Ces messieurs insistaient beaucoup sur ce que les songes les plus mystiques sont aussi communs parmi les païens, et parmi les mahométans, que parmi les sectateurs de la vraie religion. En effet, lisez Plutarque et les autres historiens grecs et romains ; lisez les livres arabes, chinois, etc., vous y trouverez tout autant d’exemples de songes miraculeux, que dans la Bible ou dans les histoires chrétiennes. Il faut avouer que cette objection a beaucoup de force, et qu’elle semble nous conduire nécessairement à un tout autre système ; qui serait d’attribuer ces sortes de songes, non pas à Dieu comme à leur cause immédiate, mais à de certaines intelligences qui, sous la direction de Dieu, ont beaucoup de part au gouvernement de l’homme. On pourrait supposer selon la doctrine des causes occasionelles, qu’il y a des lois générales qui soumettent un très-grand nombre d’effets aux désirs de telles et de telles intelligences, comme il y a des lois générales qui soumettent aux désirs de l’homme le mouvement de certains corps. Cette supposition est non-seulement conforme à un sentiment qui a été fort commun parmi les païens, mais aussi à la doctrine de l’Écriture, et à celle des anciens pères [2]. Les païens reconnaissaient plusieurs dieux inférieurs qui présidaient à des choses particulières ; et ils prétendaient même que chaque homme avait un génie qui le gouvernait. Les catholiques romains prétendent que leur doctrine de l’ange gardien, et d’un ange qui préside à tout un peuple, à une ville, à une province, est fondée sur l’Écriture. Si vous établissez une fois que Dieu a

  1. (*) L. de divinat., c. 14, et l. de insomniis per decem capita.
  2. (*) De quo Alex. ab Alex., lib. 1, cap. 11.
  1. Mart. del Rio, Disquisit. magicar., lib. IV, cap. III, quæst. VI, pag. m. 278.
  2. Selon la théologie de saint Augustin, qui renferme, comme l’enseigne le père Thomassin, l’ancienne tradition de tous les hommes, rien ne se fait presque dans le monde que par les anges ou par les démons, ou par des sentimens que Dieu imprime dans les esprits des hommes. Arnauld, contre le Système de Mallebranche, tom. I, pag. 191.