Richelieu, auquel il les adresse, fût cardinal ; et qu’il en changea seulement les quatre premiers vers de la première stance, pour les accommoder à son sujet. J’ai su aussi du même M. de Racan que le cardinal de Richelieu, qui avait connaissance que ces vers n’avaient pas été faits pour lui, ne les reçut pas bien quand Malherbe les lui fit présenter : ce qui fit que Malherbe ne les continua pas [1].
(G) Il était du nombre de ces auteurs..... qui composent avec une peine extrême. ] Celui qui s’est déguisé sous le nom de Vigneul-Marville n’a point ignoré cela. Ce n’était, dit-il [2], qu’en veillant beaucoup et à force de se tourmenter que Malherbe produisait ses divines poésies [* 1]. On aurait pu comparer sa muse à certaines femmes qui sont des sept ou huit jours de suite dans les douleurs de l’enfantement ; et puisque ses tranchées étaient plus longues et plus importunes que celles à quoi Balzac était exposé en pareils cas, il fallait qu’elles fussent bien terribles. Considérez un peu ces paroles [3] : « À la fin il est achevé : je parle du discours dont vous a parlé ma dernière lettre, et qui est un des cinq que je vous avais promis. Il m’a lassé, il m’a épuisé, il m’a fait maudire le métier une douzaine de fois. Quoi que vous puissiez dire là-dessus, encore est-ce être moins difficile à se contenter que ne l’était le bon homme que je vous allègue si souvent. Il gâta une demi-rame de papier à faire et à refaire une seule stance. Si votre curiosité désire savoir quelle stance c’est, en voici le commencement.
» Comme en cueillant une guirlande,
» L’homme est d’autant plus travaillé.
» Que nous prenons de peine, bon
Dieu ! à semblables bagatelles ; bagatelles
morales et politiques, en
français et en latin, en prose et
en vers ! » Voilà ce que M. de Balzac
écrivait à M. Conrart le 25 de
juin 1651. Le bon homme dont il
parle est notre Malherbe : on n’en
peut douter ; car voici le cinquième
dizain de son ode au duc de Bellegarde :
Comme en cueillant une guirlande,
L’homme est d’autant plus travaillé,
Que le parterre est émaillé
D’une diversité plus grande ;
Tant de fleurs de tant de côtés.
Faisant paraître en leurs beautés
L’artifice de la Nature,
Il tient suspendu son désir,
Et ne sait en cette peinture
Ni que laisser, ni que choisir [4].
Si M. Ménage avait su la particularité
que Balzac savait touchant la
peine que ces dix vers avait coûtée
à leur auteur, il l’eût insérée sans
doute dans ses notes sur cet endroit
de Malherbe. J’ai rapporté ailleurs
[5] ce que l’on disait des difficultés
inconcevables avec lesquelles M. de
Balzac composait ses livres. Nous venons
de voir ce qu’il en disait lui-même,
et voici un autre passage de
ses lettres à M. Conrart : « M. Courbé
[6] pense peut-être que j’aille
aussi vite que M. de Saumaise,
qui va plus vite que les copistes et
les imprimeurs. Une petite lettre
me coûte plus qu’un gros livre à
ce dévoreur de livres. Bienheureux
sont ces écrivains qui se contentent
si facilement ; qui ne travaillent
que de la mémoire et des
doigts ; qui, sans choisir, écrivent
tout ce qu’ils savent [7] ! » Cela
me sert de preuve ; car, puisque
Malherbe était encore plus difficile à
se contenter que ne l’était M. de Balzac,
tout ce qui nous représente les
peines de celui-ci augmente l’idée
que nous avons de la souffrance de
l’autre. Ce qui suit est une preuve
plus courte, puisqu’on y voit formellement
que Malherbe surpassait
Balzac dans ce point fâcheux. « Le
bon homme Malherbe m’a dit plu-
- ↑ * Leclerc confirme par deux citations de Bertelot et de Besançon, ce que Bayle dit sur le témoignage de Vigneul-Marville (B. d’Argonne).
- ↑ Ménage, Observations sur les Poésies de Malherbe, pag. 545.
- ↑ Mélanges d’Histoire et de Littérature, pag. 223, édition de Rouen 1699.
- ↑ Balzac, lettre XI du IIe. livre à Conrart, pag. 113, édition de Hollande.
- ↑ Malherbe, Poésies, liv. IV, p. m. 102.
- ↑ Ci-dessus, citation (38) de l’article Guarini, tom. VII, pag. 310.
- ↑ C’était un libraire de Paris.
- ↑ Balzac, lettre XII du Ier. livre à Conrart, pag. 50. Voici ce qu’il dit dans la XXIVe. lettre du livre II. O bienheureux écrivains, monsieur de Saumaise en latin, et monsieur de Scudéry, en français, j’admire votre facilité et j’admire votre abondance ! Vous pouvez écrire plus de calepins que moi d’almanachs.